L'augmentation du poids de la dette menace la transition déjà fragile du monde vers le développement durable. C’est la mise en garde de l'ONU à l'approche de la 4e Conférence internationale sur le financement du développement.

© Shutterstock/Harmattan Toujours | Niamey, Niger. Le poids élevé de la dette publique peut sérieusement limiter la capacité des pays en développement à investir dans les services essentiels au développement durable.
La dette publique mondiale a atteint 102 000 milliards de dollars en 2024. Les pays en développement supportent désormais près d'un tiers de ce montant, soit 31 000 milliards de dollars, et paient 921 milliards de dollars d'intérêts. Cette situation pèse lourdement sur leurs budgets et met en péril des services publics essentiels.
Selon le dernier rapport « Un monde de dettes » d’ONU commerce et développement (CNUCED), la dette publique des pays en développement a augmenté deux fois plus vite que celle des pays riches depuis 2010.
La dette peut être un outil puissant pour financer les infrastructures et améliorer les conditions de vie. Mais lorsqu'elle devient trop importante ou trop coûteuse, elle freine les économies et compromet le développement.
L'économie mondiale, en particulier dans les pays en développement, a besoin de toute urgence de moyens plus durables et plus abordables pour financer l'avenir.
Disparités criantes et inégalités systémiques
Le rapport « Un monde de dettes » met en évidence des contrastes saisissants entre les régions en développement, l'Asie et l'Océanie détenant 24 % de la dette publique mondiale, suivies par l'Amérique latine et les Caraïbes (5 %) et l'Afrique (2 %).
À l'échelle mondiale, les niveaux d'endettement public varient considérablement d'un pays à l'autre, en fonction du coût des emprunts, de la durée de leur remboursement et du type de prêteurs auxquels ils ont recours.
Les inégalités systémiques des systèmes financiers internationaux aggravent encore ces difficultés.
Depuis 2020, les régions en développement empruntent à des taux deux à quatre fois plus élevés que les États-Unis, par exemple.
En 2023, les pays en développement ont versé 487 milliards de dollars à l'étranger. Pour la moitié d'entre eux, au moins 6,5 % de leurs recettes d'exportation ont servi uniquement à rembourser la dette publique extérieure.
Ce sont les populations qui en paient le prix
En 2023, les pays en développement ont versé 25 milliards de dollars de plus à leurs créanciers qu'ils n'ont reçu en nouveaux encaissements, marquant ainsi la deuxième année consécutive de perte globale de ressources.
Le rapport met en garde contre l'aggravation de cette tendance négative, car les taux d'intérêt élevés, la faible croissance mondiale et l'incertitude croissante continuent de peser sur les finances publiques et rendent la dette plus difficile à gérer.
En 2024, ces pays ont versé 921 milliards de dollars d'intérêts nets sur leur dette publique, soit une augmentation de 10 % par rapport à l'année précédente.
Un nombre record de 61 économies en développement ont consacré au moins 10 % de leurs recettes publiques au seul paiement des intérêts, laissant moins de ressources pour des domaines essentiels tels que la santé, l'éducation et la lutte contre le changement climatique.
Aujourd'hui, 3,4 milliards de personnes vivent dans des pays qui dépensent plus pour payer leurs intérêts que pour la santé ou l'éducation.
Un appel à l'action
L'augmentation de la dette, la baisse des investissements et la réduction de l'aide sont parmi les plus grandes menaces financières auxquelles le monde est confronté aujourd'hui, ce qui rend les objectifs de développement durable encore plus difficiles à atteindre.
L'ONU tiendra prochainement la 4e Conférence internationale sur le financement du développement, une occasion unique, qui ne se présente qu'une fois tous les dix ans, de mobiliser des financements à grande échelle et de réformer les règles financières mondiales afin de mieux servir les populations et la planète.
À l'approche de ce sommet crucial, ONU commerce et développement met en avant les mesures principales à prendre :
- Rendre la gouvernance financière mondiale plus inclusive en donnant aux pays en développement une voix réelle dans le fonctionnement du système international.
- Améliorer l'accès au financement d'urgence, notamment en recourant davantage aux droits de tirage spéciaux, en suspendant les surtaxes du FMI, en améliorant l'accès au financement de crise et en renforçant la coopération Sud-Sud.
- Réformer le système international de la dette en mettant en place un processus d'allègement de la dette équitable et efficace qui dépasse les limites du cadre actuel du G20.
- Fournir des financements et un appui technique plus abordables, notamment en respectant les engagements en matière d'aide et de financement de la lutte contre les changements climatiques, en réformant les banques de développement et en aidant les pays à gérer plus efficacement leur dette.