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«L’être humain doit passer avant le capital et la société doit passer avant le marché!»


Communiqué de presse
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UNCTAD/PRESS/PR/2014/054
«L’être humain doit passer avant le capital et la société doit passer avant le marché!»
M. Rafael Correa, Président de l’Équateur, a donné une conférence à l’occasion du cinquantième anniversaire de la CNUCED

Geneva, Suisse, 24 octobre 2014

​Lors d’une conférence spéciale, organisée aujourd’hui à Genève par la CNUCED pour célébrer son cinquantième anniversaire, M. Rafael Correa Delgado, Président de l’Équateur, s’exprimant devant un auditoire de plusieurs centaines de personnes, a jugé inacceptable «l’assujettissement d’êtres humains qui ne vivent et ne respirent qu'au gré des besoins du capital», et a dénoncé «un ordre mondial immoral et injuste».

Dans sa conférence, qui avait pour thème «Équateur, le développement en tant que processus politique», M. Correa est revenu sur l’action menée dans son pays pour construire un modèle de développement équitable et durable et sur les enseignements tirés des politiques menées-.

Selon M. Correa, l’Équateur est l’un des rares pays où les inégalités reculent. Il a enregistré un taux de croissance supérieur à celui de ses voisins au cours des sept dernières années, malgré la crise financière de 2008 et la dollarisation de son économie en 1999. Le taux d’extrême pauvreté a été ramené à un seul chiffre, mais, selon M. Correa, «une personne en situation de pauvreté [est] déjà une personne de trop et une insulte faite à l’humanité».

«À l’époque de Christophe Colomb, un économiste aurait prédit un avenir plus radieux à l’Amérique latine qu’à l’Amérique du Nord. Pourquoi cette prédiction ne s’est elle pas concrétisée? C’est l’un des mystères du développement».

«La vérité, c’est que le développement est une question politique: qui décide? Les élites ou la majorité? Le capital ou l’être humain? Le marché ou la société? Le plus grand tort fait à la collectivité est la séparation entre la politique et l’économie. Nous avons été amenés à croire que l’économie était un domaine «technique». Or, bon nombre d’universitaires découvrent aujourd’hui que le développement est une question politique. Les institutions, les politiques et les programmes dépendent du maître du jeu».

M. Correa a ensuite expliqué comment l’Équateur est sorti «des longues et profondes ténèbres du néo-libéralisme» et a appliqué de nouvelles politiques socialistes de redistribution et de dépenses sociales ainsi que des mesures inédites telles que l’instauration d’un «salaire digne» pour les ménages. Ancien universitaire, M. Correa a aussi déclaré qu’il attache une grande importance aux investissements dans l’éducation.

«L’éducation est la clef de voûte de la démocratie. Pour améliorer notre base de compétences, nous investissons près de 2 % de notre PIB (produit intérieur brut) dans l’enseignement supérieur. C’est plus que la moyenne de l’OCDE».

M. Correa a indiqué que l’intégration régionale est essentielle pour se prémunir de l’instabilité des capitaux découlant de la mondialisation financière qui, selon lui, menaçe la souveraineté des pays en développement.

«S’il est une chose que j’ai apprise pendant mon mandat de Président, c’est que le monde est régi par le capital transnational et les intérêts de pays hégémoniques. L’intégration régionale peut être un rempart contre le néo-colonialisme: le monde de demain est fait de blocs». «Je rappellerai mes propos de 2009: les Européens devront expliquer à leurs petits-enfants pourquoi ils se sont unis; nous, Latino-américains, nous devrons expliquer à nos petits enfants pourquoi il nous a fallu si longtemps pour faire de même!»

M. Correa a conclu en disant que, pour parvenir à un développement équitable et durable, «l’être humain doit passer avant le capital et la société doit passer avant le marché».

Dans son allocution de bienvenue, le Secrétaire général de la CNUCED, M. Mukhisa Kituyi, a déclaré: «À la CNUCED, nous savons que la manière dont un pays s’attaque à ses propres problèmes importe plus qu’aucun conseil venu de l’extérieur. Je suis donc impatient d’entendre ce que M. Correa a à dire sur les réalisations de l’Équateur et sur les enseignements que nous pourrions en tirer».

La conférence donnée par M. Correa dans la salle XX du Palais des Nations (la Salle des droits de l’homme) est la quinzième Conférence Raúl Prebisch organisée par la CNUCED et la première prononcée par un chef d’État en exercice.

Le cycle de conférences Raúl Prebisch a été créé en 1982 par M. Gamani Corea, alors Secrétaire général de la CNUCED, en l’honneur de l’économiste argentin Raúl Prebisch, fondateur et premier Secrétaire général de la CNUCED.

Selon M. Kituyi, l’intervention d’un dirigeant latino-américain est tout indiquée en cette année du cinquantième anniversaire de l’organisation, qui doit son existence à la réflexion sur le développement née en Amérique latine.

La première conférence du cycle avait été donnée par M. Raúl Prebisch lui-même. Lui avaient ensuite succédé plusieurs éminents théoriciens du commerce et du développement, dont Mme Indira Gandhi, Première Ministre de l’Inde, en 1983; M. Joseph Stiglitz, Premier Vice Président et économiste en chef de la Banque mondiale, en 1998; et M. Jeffrey Sachs, Directeur de l’Earth Institute à l’Université de Colombia et conseiller auprès des Secrétaires généraux de l’ONU, MM. Kofi Annan et Ban Ki-moon, en 2009.

M. Correa, qui est devenu Président de l’Équateur en janvier 2007, a été professeur d’université, ministre et consultant pour des organisations internationales. Réélu à deux reprises, M. Correa achèvera son mandat actuel en 2017.

Le texte complet du discours en espagnol de M. Correa peut être téléchargéici.

NOTE: Raúl Prebisch (1901-1986) a été Secrétaire général de la CNUCED de 1964 à 1969. Il avait auparavant occupé les fonctions de Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Amérique latine (1948-1963), après une brillante carrière dans la fonction publique argentine.

M. Prebisch est avant tout connu pour ses travaux universitaires en tant que spécialiste de l’économie internationale et de l’économie du développement. Selon la thèse de Prebisch Singer, qui constitue sa principale contribution, les termes de l’échange se détériorent au fil du temps pour les pays exportateurs de produits primaires, au profit des pays exportateurs d’articles manufacturés.