Pour faire face à la mondialisation financière, il faut adopter une règlementation plus audacieuse et concevoir un système monétaire international plus stable et plus diversifie, selon un rapport de la CNUCED
Alors que la communauté internationale compte sur un afflux record d’investissements pour atteindre les nouveaux objectifs de développement mondiaux fixés par les dirigeants de la planète lors du Sommet sur le développement durable de l’ONU, qui s’est tenu le mois dernier à New York, le système monétaire et financier international devra faire l’objet d’une refonte de manière à garantir des conditions plus stables et plus prévisibles pour les investissements réels, selon le Rapport sur le commerce et le développement, 20151 de la CNUCED. Pour mettre en œuvre l’ambitieux programme de développement pour l’après-2015, il ne faudra pas se contenter d’adapter les règles de gestion financière et les accords monétaires existants, mais les transformer.
« Le rapport met l’accent sur les effets perturbateurs des flux financiers à court terme et des flux financiers spéculatifs sur l’investissement productif », a affirmé le Secrétaire général de la CNUCED, M. Mukhisa Kituyi. « Il présente les réformes et les politiques qui pourraient, dans le cadre du nouveau programme de développement, contribuer à atténuer les récessions et à étouffer les débuts d’incendie locaux avant qu’ils ne menacent d’embraser l’économie mondiale ».
La crise financière de 2008 a donné naissance à plusieurs initiatives visant à renforcer la réglementation et la supervision, ainsi qu’à faciliter l’accès aux liquidités publiques nécessaires au règlement des problèmes liés à la balance des paiements. Néanmoins, selon le rapport, nombre de réformes demeurent à la fois trop timides et de trop faible envergure. En outre, il n’a pas suffisamment été tenu compte des besoins particuliers des pays en développement.
Le relèvement des ratios de fonds propres et l’adoption de nouvelles dispositions visant les « banques d’importance systémique » sont bénéfiques, mais permettent à ces banques de conserver un effet de levier excessif et les dissuadent d’accorder des prêts aux petites et moyennes entreprises.
En outre, l’accent ayant été mis sur les banques traditionnelles, une attention insuffisante a été accordée au secteur bancaire parallèle, dont l’activité a continué de se développer, notamment dans plusieurs pays en développement. Des formes innovantes d’octroi de crédits et une nouvelle génération de gestionnaires d’actifs (tels que les fonds spéculatifs) et de courtiers-négociants (appartenant souvent à des conglomérats financiers) ont maintenu l’effet de levier à un niveau élevé, compromettant ainsi la stabilité financière. Bien que les organismes de notation affichent un bilan médiocre, leurs évaluations influent toujours sur l’allocation des actifs et sur les taux d’intérêt, ainsi que sur la pondération des risques pour le ratio de fonds propres.
S’il est nécessaire de relever les ratios de fonds propres et de liquidités, cela n’est pas suffisant. Le rapport préconise l’adoption d’un programme plus audacieux, à commencer par une séparation stricte des activités financières, entre banque de détail et banque d’investissement, notamment au niveau international, ainsi que la surveillance et la réglementation du système bancaire parallèle. Pour lutter contre les conflits d’intérêt relatifs à la notation, on pourrait adopter un nouveau modèle économique dans lequel le payeur n’est plus l’émetteur, mais l’abonné, avec la participation du secteur public pour éviter les problèmes de resquillage. De la même manière, les banques pourraient évaluer elles-mêmes la capacité d’endettement des emprunteurs et/ou payer une entité publique qui confierait à des évaluateurs la tâche de noter les titres.
Le rapport fait également mention de problèmes posés par la prédominance croissante des liquidités privées, qui remplacent largement les sources publiques depuis l’effondrement, au début des années 1970, du système de Bretton Woods. Cependant, si les liquidités internationales privées abondent lorsque la conjoncture est favorable, elles disparaissent rapidement en temps de crise.
Face à ce modèle procyclique, de nombreux pays en développement ont réagi en accumulant des liquidités publiques, sous la forme de réserves de change, à titre d’auto-assurance. Toutefois, la CNUCED est préoccupée par le fait que lorsque l’accumulation de réserves provient d’emprunts extérieurs, les pays restent exposés aux aléas des marchés financiers mondiaux. En outre, si de nombreux pays cherchent à accumuler des réserves grâce aux excédents commerciaux, il existe un risque sérieux qu’une guerre monétaire éclate et que la demande et la reprise économique mondiales, déjà faibles, soient encore ralenties.
De nouveaux arrangements multilatéraux, comme un accord sur les règles de gestion multilatérale des taux de change ou l’élargissement du rôle des droits de tirage spéciaux, restent les meilleures solutions. Cependant, leur adoption nécessite des changements institutionnels qui semblent impossibles à opérer dans un proche avenir. Les accords d’échange de devises peuvent être un moyen d’avancer, mais ils répondent généralement aux besoins des pays développés et ne concernent encore qu’assez rarement des pays en développement. L’élargissement des possibilités d’emprunt auprès du Fonds monétaire international pourrait également être bénéfique, mais les nouvelles lignes de crédit demeurent, pour l’heure, largement inutilisées. Pour répondre aux besoins des pays en développement, il faudra, au préalable, réformer le mécanisme de gouvernance, d’orientation stratégique et de surveillance du Fonds monétaire international.
« Il vaudrait peut-être mieux que les pays en développement s’efforcent de s’appuyer sur une série d’initiatives régionales et interrégionales afin de promouvoir la stabilité macroéconomique et financière régionale, de réduire la nécessité d’accumuler des devises, ainsi que de renforcer la résilience et la capacité de faire face aux crises de balance des paiements » fait observer M. Kituyi.
Les accords d’échange internationaux seraient un moyen particulièrement judicieux de remédier aux problèmes posés par la faible portée des mécanismes régionaux existants. On pourrait aussi créer un fonds commun dont le capital versé serait périodiquement augmenté, et qui pourrait être utilisé par une union régionale de compensation ou une source commune de réserves pour accroître ses propres capacités de mettre à disposition des liquidités en recourant à l’emprunt.
Dans une communauté internationale hétérogène, les initiatives régionales fortes pourraient être associées aux institutions mondiales, aux autres institutions régionales et aux institutions nationales pour créer un meilleur système de gouvernance. La CNUCED estime que la conjugaison d’initiatives de ce type à divers niveaux pourrait, du moins en partie, se substituer à l’accumulation de réserves, ouvrant ainsi la voie à une réforme monétaire internationale plus globale à l’avenir.
Report: http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/tdr2015_en.pdf
Overview: http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/tdr2015overview_en.pdf