Une guerre commerciale menace de compromettre les perspectives du transport maritime mondial, selon un nouveau rapport de l’ONU
Le commerce maritime a augmenté de 4 % en 2017, l’un des taux de croissances les plus rapide des cinq dernières années, et devrait afficher une croissance similaire cette année, indique l’Étude sur les transports maritimes 2018 de la CNUCED. Les volumes devraient croître sur tous les segments de marché 2n 2018, particulièrement les secteurs conteneurisé et les vracs secs. En revanche, on s’attend à ce que la croissance des volumes transportés à bord de navires-citernes devraient soit plus modérée.
C’est à l’occasion du sommet annuel de Global Maritime Forum (Hong Kong, 3 et 4 octobre 2018), que la CNUCED a lancé l’Étude sur les transports maritimes 2018 marquant le cinquantième anniversaire de cette publication.
« Les perspectives de croissance du commerce maritime sont bonnes, mais menacées par le déclenchement d’une guerre commerciale et l’intensification des politiques de repli sur soi, a estimé le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi. La montée du protectionnisme et les représailles tarifaires risquent de perturber le système commercial mondial, qui sous-tend la demande de transports maritimes. »
Cet avertissement est lancé dans un contexte où l’équilibre entre l’offre et la demande s’est amélioré, ce qui a fait croître les prix du fret et donc les recettes et les bénéfices. Les prix se sont nettement améliorés en 2017 (sauf sur le marché du transport en navire-citerne), notamment parce que la demande mondiale a augmenté, que la croissance de la capacité de la flotte est devenue plus facile à gérer et que la situation des marchés s’est améliorée dans l’ensemble.
On s’attend à ce que l’équilibre entre l’offre et la demande continue à s’améliorer en 2018, notamment sur les segments des conteneurs et les vracs secs. Les prix du fret sont susceptibles d’en bénéficier, mais la gestion de l’offre et le déploiement des navires demeurent un facteur déterminant. La CNUCED prévoit que le volume total du commerce maritime progressera en moyenne de 3,8 % par an jusqu’en 2023.
Quant à l’offre, le développement de la flotte mondiale s’est quelque peu accéléré en 2017, après cinq années de ralentissement. Le tonnage mondial a augmenté de 42 millions de tonnes brutes pendant l’année, soit une croissance modérée de 3,3 %.
En ce qui concerne la chaîne de valeur du transport maritime, l’Allemagne est restée le premier pays propriétaire de navires porte-conteneurs, sa part de marché s’élevant à 20 % au début de 2018, bien qu’elle ait reculé quelque peu en 2017. Les propriétaires de Grèce, de Chine et du Canada ont en revanche accru leurs parts de marché.
Les Îles Marshall sont devenues en 2018 ont été classées deuxième pays d’immatriculation, après le Panama et devant le Libéria. En 2017, plus de 90 % des activités de construction navale ont été menées en Chine, en République de Corée et au Japon, tandis que 79 % des démolitions de navires ont eu lieu en Asie du Sud, notamment en Inde, au Bangladesh et au Pakistan.
Principaux facteurs de changement
Selon le rapport, les principaux facteurs de changement du transport maritime mondial sont l’activité de consolidation dans le secteur du transport maritime de ligne, les innovations technologiques et les politiques relatives au changement climatique.
La tendance à la consolidation dans le secteur du transport maritime de ligne s’est poursuivie sans fléchir, du fait des fusions-acquisitions et de la restructuration des alliances mondiales.
Au mois de janvier 2018, les 15 principales lignes maritimes représentaient 70,3 % de la capacité totale. Leur part a encore augmenté du fait de l’intégration concrète des entreprises qui ont fusionné en 2018, les 10 premières compagnies maritimes contrôlant près de 70 % de la capacité de la flotte mondiale en juin 2018.
Trois alliances maritimes se partagent l’essentiel (93 %) de la capacité déployée sur les trois principales routes de conteneurs Est-Ouest. Les membres des alliances continuent de se faire concurrence sur le plan des prix, tandis que les gains en matière d’efficacité opérationnelle et d’utilisation des capacités aident à maintenir des prix de fret peu élevés. En unissant leurs forces et en formant des alliances, les transporteurs ont vu leur pouvoir à négocier les questions d’escales et de terminaux portuaires s’accroître face aux ports maritimes.
Une plus grande consolidation dans le transport maritime de ligne peut renforcer le pouvoir de marché des compagnies maritimes concernées et risque donc de réduire l’offre, compromettre la qualité des services, et causer une augmentation des prix de fret. Certains de ces effets pourraient déjà être en œuvre. Par exemple, en 2017-2018, le nombre d’opérateurs a diminué dans plusieurs petits États insulaires en développement et pays en développement structurellement faibles.
« Il faut évaluer les répercussions qu’ont sur le secteur les fusions et les alliances, ainsi que l’intégration verticale, et prendre des mesures pour contrer tout effet négatif. Cela passe par la participation active de toutes les parties concernées, notamment les autorités nationales de la concurrence, les compagnies de transport par conteneur, les chargeurs et les ports », a déclaré Shamika N. Sirimanne, Directrice de la Division de la technologie et de la logistique de la CNUCED.
La croissance du trafic portuaire s’est accélérée : l’activité portuaire et la manutention de marchandises mondiales ont cru rapidement en 2017, après deux années de résultats médiocres. La CNUCED estime que 752 millions d’équivalents vingt pieds ont été transportés dans les ports à conteneurs en 2017. Les perspectives du secteur mondial de la manutention portuaire restent positives, compte tenu de la croissance économique prévue et des plans de développement des infrastructures portuaires.
Les opérations portuaires, la performance des ports leur pouvoir de négociation face au compagnies maritimes ont continué à être déterminés par le déploiement des méganavires et la restructuration des alliances : les alliances maritimes et l’augmentation de la taille des navires ont rendu plus complexes les rapports entre les compagnies maritimes de transport de conteneurs et les ports. Elles ont également créé une nouvelle dynamique où les compagnies maritimes ont acquis une plus grande influence et pourvoir de négociation.
L’augmentation de la taille des navires et l’essor des méga-alliances ont accentué la nécessité pour les ports de s’adapter. Si les réseaux de transports maritimes réguliers semblent avoir bénéficié des gains d’efficacité résultant des fusions et de la restructuration des alliances, les retombées positives pour les ports n’ont pas suivi le même rythme. Cette dynamique est rendue encore plus complexe par le fait que certaines compagnies sont également impliquées dans les activités de certains ports et terminaux, un facteur qui pourrait à son tour redéfinir les approches des concessions de terminaux.
Selon le rapport, les ports et terminaux mondiaux doivent faire le suivi et mesurer leurs résultats, car les indicateurs portuaires de performance permettent une plus grande rigueur dans les activités de planification, d’investissement et de prise de décisions.
Les innovations technologiques comme les applications de la chaîne de blocs, le suivi des cargaisons et des navires, les navires autonomes et l’Internet des objets ouvrent de nouvelles possibilités pour le secteur du transport maritime mondial. Toutefois, l’incertitude demeure au sein de quant aux risques d’incidents de sûreté, de sécurité et de cybersécurité qui y sont associés et quant à l’effet négatif des innovations technologiques sur l’emploi des gens de mer, dont la plupart ont pour origine des pays en développement.
Les objectifs climatiques demeurent prioritaires. Le secteur du transport maritime doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre, indique la CNUCED dans le rapport, qui salue, parmi les mesures prises au niveau international, l’adoption, par l’Organisation maritime internationale (OMI) en avril 2018, d’une stratégie initiale visant à réduire au moins de moitié les émissions annuelles totales des navires d’ici à 2050, par rapport à 2008.
Dans cette stratégie, l’OMI envisage des mesures supplémentaires possibles à court, à moyen et à long terme et les calendriers correspondants, et examine les incidences de ces mesures sur les États, en soulignant la nécessité de prêter attention aux besoins des pays en développement, particulièrement à ceux des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés.
Il importera d’évaluer les incidences potentielles des résultats des négociations futures et des dispositions précises de tout instrument qui pourrait être adopté sur les activités des transporteurs et des chargeurs et les coûts de fonctionnement et de transport, ainsi que sur le coût du commerce. Il importera également d’évaluer les retombées positives des mesures en question, y compris des instruments fondés sur les mécanismes de marché appliqués au transport maritime. Il faudra par ailleurs réfléchir à comment articuler ses mesures de façon à mieux répondre aux problèmes de transport maritime et de logistique des pays en développement.