Les partenariats et les modèles commerciaux durables peuvent contribuer à rendre les technologies accessibles aux communautés pauvres pour améliorer leurs moyens de subsistance et atteindre les objectifs de développement durable.
Autrefois, au coucher du soleil, Ruby Kumari devait fermer son école de couture artisanale à Parsa, un village de l'État du Bihar, dans l'est de l'Inde.
Dès 2019, grâce à l’installation de minicentrales solaires, il peut poursuivre ses cours après le coucher du soleil et même proposer des cours du soir. Résultat : la fréquentation a doublé et atteint jusqu’à 80 inscrits.
L'accès à une énergie abordable et fiable lui a également permis de changer ses machines à coudre manuelles par des machines électriques. Il a pu développer une nouvelle activité commerciale en 2020, lorsque la pandémie de COVID-19 l’a contraint à suspendre ses cours.
A 38 ans, cette femme est une des 25 couturières employées par Smart Power India dans le cadre d'un plan visant à fournir cinq masques par foyer dans tous les districts du Bihar, à la frontière avec le Népal.
« C'est un réconfort d'avoir en permanence de l'électricité alors que tout le reste est si peu fiable », a-t-elle déclaré.
En Inde Mme Kumari compte parmi les milliers d'entrepreneurs et propriétaires d'entreprises qui bénéficient des mini réseaux dans les zones rurales. Ces implantations sont rendues possibles grâce à un partenariat entre l'Institute for Transformative Technologies (ITT), TATA Power et la Fondation Rockefeller.
Ce partenariat, qui vise l’implantation de 10 000 mini réseaux d'ici 2026, a été présenté lors d'un webinaire de la CNUCED le 27 avril, qui faisait le point sur les solutions technologiques qui, de manière inquiétante, restent inaccessibles aux populations pauvres.
« L'inconvénient des révolutions technologiques est que la phase de déploiement tend à être inégale », a déclaré Shamika N. Sirimanne, directrice de la technologie et de la logistique à la CNUCED.
« Tout le monde n'a pas un accès immédiat aux bénéfices du progrès, comme c’est le cas pour l'accès à l'électricité, aux vaccins qui sauvent des vies ou à l'eau potable. »
Le Rapport sur la technologie et l'innovation 2021 de la CNUCED prévient que cette inégalité d’accès peut entraver la contribution de la technologie aux Objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU et creuser les inégalités dans le monde, alimentant ainsi le mécontentement du public.
Et avec l'avènement des technologies de pointe, notamment l'intelligence artificielle (IA), la robotique, les biotechnologies et les nanotechnologies, ces risques ont encore augmenté, selon le rapport.
Garantir aux plus pauvres l’accès aux technologies
Mais des partenariats comme celui conclu entre Tata Power, ITT et la Fondation Rockefeller peuvent contribuer à inverser la tendance et à faire en sorte que les nouvelles technologies, comme les réseaux électriques à énergie solaire, atteignent les communautés pauvres qui en ont désespérément besoin.
Selon Praveer Sinha, PDG de Tata Power, le partenariat sur les mini réseaux permettra d'alimenter plus de 100 000 entreprises indiennes, d'irriguer 400 000 agriculteurs et d'améliorer l'accès aux services de santé et à l'eau potable dans les communautés rurales.
Avec plus de 40 % des entreprises rurales dans des États comme le Bihar dépendant de sources d'énergie hors réseau comme le diesel, les mini réseaux pourraient permettre d'économiser jusqu'à 1 million de tonnes d'émissions de carbone par an.
Mme Sirimanne a déclaré : « Ce partenariat montre l'impact que les nouvelles technologies peuvent avoir dans les pays en développement lorsque le contexte est pris en compte - et lorsqu'elles sont adaptées à la situation locale. »
« Il montre également la nécessité d'une évolution de la réflexion au-delà de la simple rentabilité », a-t-elle ajouté. « Des modèles commerciaux inclusifs et durables seront essentiels pour déployer des technologies adaptées aux contextes locaux dans les pays en développement. »
Des partenariats multipartites sont nécessaires
Mais si les entreprises et les organisations philanthropiques jouent un rôle essentiel dans le déploiement de solutions technologiques répondant aux besoins des populations pauvres, elles ne peuvent y parvenir seules.
Selon le Rapport sur la technologie et l'innovation 2021 de la CNUCED, les gouvernements doivent jouer un rôle clé pour orienter la diffusion de la technologie vers les causes du développement durable.
Les participants au webinaire d'avril, qui comprenaient des chercheurs, des représentants de la société civile et des hauts fonctionnaires de gouvernements et d'organisations internationales, ont déclaré que le succès exigeait une approche multipartite.
« Une foule de parties prenantes - gouvernements, entrepreneurs, institutions universitaires et de recherche, société civile - constitue l'écosystème essentiel au déploiement réussi de la technologie dans les communautés », a déclaré Alfred Watkins, président du Sommet des solutions mondiales, qui a coorganisé le webinaire avec la CNUCED et l'ITT.
« Mais cet écosystème est largement agnostique sur le plan technologique et doit être interconnecté pour formuler des modèles commerciaux durables en vue d'un déploiement équitable », a-t-il ajouté.
Les projets pilotes de solutions technologiques qui fonctionnent bien à un endroit donné doivent souvent être adaptés pour fonctionner ailleurs, parfois dans la même province, sans parler des pays éloignés.
« Si cela ne se produit pas, il en résulte une prolifération de projets pilotes sans résultats à long terme », a déclaré M. Watkins.
Entre les phases de pilotage et d’adaptation, une technologie éprouvée peut rester figée et ne pas avoir d’impact pour l'ensemble de la communauté.
Cinq principes pour le déploiement d’une technologie
Pour éviter les chevauchements et les phases pilotes qui s’éternisent lors du déploiement d’une technologie, le rapport de la CNUCED sur la technologie et l'innovation invite les gouvernements, les entreprises et les organisations de la société civile à adopter les principes suivants :
- Avoir une vision : Les organisations qui déploient des technologies devraient commencer par adopter une vision ambitieuse, telle que « fournir de l'eau potable à au moins 100 000 000 de personnes dans les cinq prochaines années ». Cette vision devrait inclure des stratégies pour mobiliser les ressources nécessaires - techniques, financières, capital humain, partenariats et autres.
- Impliquer les utilisateurs : Les bénéficiaires doivent participer aux phases de développement et de commercialisation des produits, car la réussite des programmes de déploiement est fonction de la culture, des valeurs, de l'éthique, de la confiance, du leadership, de l'histoire, de la politique, ainsi que des superstitions, des coutumes locales et des structures sociales.
- Planifier le déploiement : Le déploiement est une étape indispensable et requiert au moins autant d'attention que la quête de nouvelles découvertes.
- Passer le relais : exploiter les technologies d'avant-garde pour les ODD s'apparente à une course de relais dans laquelle le témoin doit être passé rapidement des scientifiques et des ingénieurs qui développent les solutions aux innovateurs qui prendront la tête du déploiement à grande échelle.
- Générer des revenus : Quelle que soit l'importance des subventions accordées aux technologies, les gens ne les utiliseront que s'ils en ont les moyens. La solution consiste à donner la priorité aux technologies qui génèrent également davantage de revenus pour les ménages et les communautés - par exemple, en offrant un meilleur accès aux marchés formels, en particulier dans les zones rurales.