ONU : résilience et durabilité s’inscrivent au cœur des priorités d'investissement des pays et des entreprises pour mieux reconstruire
La production internationale, moteur de la croissance économique mondiale et du développement, a été gravement affectée par la pandémie, selon le Rapport 2021 sur l'investissement dans le monde de la CNUCED.
L'investissement mondial a été frappé beaucoup plus durement que les autres variables macroéconomiques, subissant une baisse d'un tiers par rapport aux niveaux de 2019, affectant particulièrement les nouveaux investissements dans des projets industriels et d'infrastructure - les plus productifs.
Les premiers indicateurs relatifs aux nouveaux investissements et au financement de projets internationaux – ainsi que les leçons tirées des ralentissements antérieurs ayant affecté les investissements directs étrangers (IDE) - suggèrent que même si les entreprises et les financiers se préparent maintenant à des dépenses d'investissement de "rattrapage", ils resteront prudents dans leurs nouveaux investissements à l'étranger dans des actifs productifs et des infrastructures. Néanmoins, il se peut que l'IDE mondial ait déjà atteint son niveau le plus bas et ait rebondi.
« Les décideurs politiques et les entreprises s'attachent désormais à mieux reconstruire. La résilience et la durabilité façonneront les priorités d'investissement des gouvernements et des entreprises », a déclaré Isabelle Durant, Secrétaire générale par intérim de la CNUCED.
Pour les entreprises, la pression en faveur de la résilience de la chaîne d'approvisionnement pourrait inciter certains secteurs à reconfigurer les réseaux de production internationaux par le biais de délocalisation, régionalisation ou diversification. Pour les gouvernements, les plans de relance et d'investissement axés sur les infrastructures et la transition énergétique impliquent d'importantes dépenses en financement de projets.
« Les conséquences de ces deux types de priorités sur les flux d'investissement internationaux sont importantes », a déclaré Mme Durant.
Encourager la résilience de la chaîne d'approvisionnement
Le rapport de cette année décrit trois ensembles d'options qui pourraient permettre aux entreprises multinationales (EMN) d'améliorer la résilience des chaînes d'approvisionnement. Il s'agit (i) de la restructuration des réseaux, qui implique des décisions en matière de localisation de la production et, par conséquent, des décisions d'investissement et de désinvestissement ; (ii) des solutions propres à la gestion de la chaîne d'approvisionnement (planification et prévision, réserves et flexibilité) ; et (iii) des mesures de durabilité. En raison du coût de la restructuration des réseaux, les multinationales épuiseront d'abord les autres options dans leur gestion des risques liés aux chaînes d'approvisionnement.
Toutefois, l'impact d’une résilience accrue sur les investissements internationaux à court terme sera limité. « En l'absence de mesures politiques contraignantes ou incitatives vers la relocalisation des actifs productifs, il est peu probable que les multinationales s'engagent dans une restructuration à grande échelle de leurs réseaux de production internationaux », a déclaré James Zhan, directeur de l'investissement et des entreprises à la CNUCED.
Il a ajouté que la résilience ne devrait pas conduire à une ruée vers la relocalisation, mais à un processus progressif de diversification et de régionalisation, à mesure qu'elle s’inscrit dans les décisions des multinationales en matière de localisation des nouveaux investissements.
Selon le rapport, dans certaines industries, le processus peut être plus abrupt. Des pressions politiques et des mesures concrètes pour pousser à la délocalisation de la production se matérialisent déjà dans les secteurs stratégiques et sensibles. Les plans d'investissement de relance pourraient donner une impulsion supplémentaire : la plupart des plans d'investissement, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, comportent des objectifs de développement industriel national ou régional.
Priorités d'investissement pour la relance
Dans la plupart des pays, les plans d'investissement dans le cadre de la relance se concentrent sur les infrastructures - y compris les infrastructures physiques, numériques et vertes.
Il s'agit de priorités d'investissement judicieuses car : (i) elles sont alignées sur les besoins d'investissement des objectifs de développement durable (ODD) ; (ii) ce sont des secteurs dans lesquels l'investissement public joue un plus grand rôle, ce qui facilite l'action des gouvernements ; et (iii) elles ont un effet multiplicateur économique élevé, important pour la stimulation de la demande.
Une perspective plus large des priorités en matière de promotion de l'investissement pour une reprise durable devrait inclure non seulement les infrastructures mais aussi les industries qui sont essentielles à la croissance des capacités productives.
Cependant, la majeure partie du financement de la reprise se fera par et pour les économies développées et quelques grands marchés émergents. Les pays en développement ne représentent qu'environ 10 % du total des plans de dépenses de relance à ce jour (figure 1).
L'ampleur de ces plans est telle qu'il est probable qu'il y ait des retombées - positives et négatives - sur la plupart des économies. Dans ce contexte, le financement de projets internationaux, un des principaux mécanismes par lesquels les fonds publics viseront à générer des financements privés supplémentaires, canalisera les effets des programmes de dépenses publiques nationales vers les flux d'investissement internationaux.
Les programmes d'investissements de relance sont susceptibles d'affecter les modèles d'investissement mondiaux dans les années à venir du simple fait de leur taille. La valeur cumulée des fonds de relance destinés à l'investissement à long terme dans le monde entier approche déjà les 3 500 milliards de dollars, et d'importantes initiatives sont encore en préparation.
Si l'on tient compte de la possibilité d'utiliser ces fonds pour attirer des fonds privés supplémentaires, la « puissance de feu » totale des plans de relance pourrait dépasser 10 000 milliards de dollars, ce qui représente près d'un tiers du déficit d'investissement total des ODD tel qu'estimé au moment de leur adoption.
Ces chiffres indiquent clairement que la pression sur la capacité des institutions publiques et des entreprises sera énorme, l’effort annuel d'investissement représentant, au minimum, trois fois la valeur de la croissance réalisée au cours de la meilleure année de la décennie précédente.
L'utilisation du financement international de projets comme instrument de déploiement des fonds de relance peut aider à maximiser le potentiel de l’investissement public, mais soulève également de nouveaux défis.
Pour relever ces défis et optimiser l'impact des programmes d'investissement pour une reprise durable et inclusive, il faudra des efforts concertés et un soutien accru de la part des prêteurs bilatéraux et multilatéraux, ainsi que des agences de garantie – ceci afin de pallier les risques et une pression à la hausse des coûts de financement des projets dans les pays en développement à faible revenu.
Un cadre politique pour l'investissement en faveur d’une reprise durable
Une approche politique cohérente est nécessaire pour promouvoir l'investissement dans la résilience, équilibrer les mesures de relance entre infrastructures et industrie, et relever les défis liés à la mise en œuvre des plans de relance.
Au niveau stratégique, la politique industrielle définira la mesure dans laquelle les entreprises de différentes industries seront incitées à rééquilibrer les réseaux de production internationaux pour une plus grande résilience de la chaîne d'approvisionnement (point de vue de l'entreprise) et une plus grande résilience économique et sociale (point de vue du pays). Elle assurera également la promotion et la facilitation des investissements dans l'industrie – complément nécessaire aux dépenses d'infrastructure.
Pour les pays en développement, les stratégies de développement industriel sont également à l’origine du développement d’un pool de projets bancables. L’absence de projets prêts à démarrer dans de nombreux pays reste un frein majeur à l’attraction de davantage de financements de projets internationaux.
Le risque est aujourd'hui qu'en l'absence de projets ayant validé les différentes phases de conception, d'évaluation, de faisabilité et réglementaire, le déploiement des fonds d'investissement de relances soit retardé de façon significative.
Au niveau de leur exécution et dans l’optique de relever les défis de l'investissement dans la relance, on peut s'inspirer des initiatives incluses dans le Plan d'action de la CNUCED pour l'investissement dans les ODD, qui comprend des actions visant la mobilisation des fonds, leur canalisation et la gestion d'impact (figure 2).
« La CNUCED estime que la volonté de tous les gouvernements de reconstruire mieux associée aux conséquents programmes de redressement par beaucoup peuvent stimuler l'investissement dans la croissance durable. L'objectif devrait être de faire en sorte que la reprise soit durable et que ses bénéfices profitent à tous les pays et à tous les peuples", a déclaré Mme Durant.
Figure 1 - Programmes de relance : sauvetage et reprise (en pourcentage)
Figure 2 - Investir dans la relance durable : un cadre politique
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