Dans un nouveau rapport sur le commerce et l’environnement, la CNUCED recommande que les pays riches comme les pays pauvres réorientent leur agriculture, en abandonnant la monoculture au profit de la diversification des cultures, réduisent l’utilisation d’engrais et autres intrants, accordent davantage de soutien aux petits exploitants et mettent plus l’accent sur la production et la consommation locales de denrées alimentaires.
Selon le Trade and Environment Report 2013, la persistance de la pauvreté rurale et de la faim de par le monde, la croissance démographique et la montée des préoccupations environnementales doivent être considérées comme une crise collective. Des mesures ambitieuses doivent être prises de toute urgence avant que les changements climatiques ne commencent à perturber fortement l’agriculture, en particulier dans les pays en développement.
Le rapport, intitulé Wake up before it is too late: Make agriculture truly sustainable now for food security in a changing climate, a été publié ce jour. Plus de 60 experts internationaux ont participé à l’analyse de la question. Les modifications à apporter aux méthodes de production qui sont proposées dans le rapport poseraient des difficultés considérables, ne serait-ce que par leur ampleur. En outre, il serait nécessaire de corriger les déséquilibres existants entre les lieux de production alimentaire et les lieux où des besoins alimentaires doivent être satisfaits, afin de réduire les asymétries de pouvoir qui existent sur les marchés des intrants agricoles et de l’agroalimentaire, et d’ajuster les règles du commerce agricole en vigueur.
Le Trade and Environment Report 2013 recommande une réorientation rapide et profonde de la production industrielle traditionnelle axée sur la monoculture de denrées alimentaires, qui est grandement tributaire d’intrants extérieurs tels que les engrais, les produits agrochimiques et les aliments concentrés pour le bétail. Au lieu de cela, l’objectif devrait être la mise en place de mosaïques de systèmes de production régénérateurs durables qui améliorent aussi considérablement la productivité des petits exploitants et encouragent le développement rural. Le rapport souligne que les gouvernements doivent trouver les moyens de prendre en compte les biens publics actuellement gratuits que les agriculteurs fournissent tels que l’accès à l’eau potable, la préservation des sols et des paysages, la protection de la biodiversité et l’entretien des espaces de loisirs, et de les rétribuer en conséquence. La CNUCED prévoit que les changements climatiques influenceront considérablement l’agriculture, principalement dans les pays en développement où la croissance démographique sera la plus élevée, surtout en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. L’évolution de la productivité agricole, qui devrait augmenter bien plus lentement, et la forte croissance démographique dans les régions les plus vulnérables aggraveront très certainement les problèmes actuels liés à la faim, à la sécheresse, à la hausse des prix des produits alimentaires et à l’accès aux terres. Ces contraintes peuvent facilement déboucher sur des migrations massives et créer des tensions et conflits internationaux à propos des produits alimentaires et de ressources telles que le sol et l’eau.
Plusieurs tendances, si on les conjugue, laissent entrevoir une crise grandissante:
• Les prix des produits alimentaires étaient près de 80 % plus élevés entre 2011 et la mi-2013 que pendant la période 2003-2008;
• L’utilisation d’engrais au niveau mondial a été multipliée par huit au cours des quarante dernières années, alors que la production mondiale de céréales n’a fait que doubler au cours de cette même période; la hausse de la productivité agricole s’est récemment ralentie, passant de 2 % par an à moins de 1 %;
• L’agriculture a déjà provoqué deux types de dommages environnementaux irréversibles: la contamination des sols et de l’eau par l’azote et la perte de biodiversité;
• Les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture sont la plus importante source de réchauffement climatique dans le Sud. Elles sont aussi celles qui augmentent plus rapidement (avec les émissions provenant du secteur des transports);
• Ces dernières années, l’acquisition de terres par des étrangers dans les pays en développement (souvent dénommée «accaparement de terres») a représenté entre 5 et 10 fois le montant de l’aide publique au développement.
Mais le plus grave sont les problèmes persistants de la faim, de la malnutrition et de l’accès aux produits alimentaires. D’après le rapport, près d’un milliard de personnes souffrent de la faim et un autre milliard de malnutrition, alors que la production agricole mondiale actuelle fournit déjà suffisamment de calories pour nourrir une population de 12 à 14 milliards. Quelque 70 % des personnes souffrant de la faim et de la malnutrition sont elles mêmes de petits exploitants agricoles ou des paysans, ce qui indique que la pauvreté et l’accès aux produits alimentaires sont les plus grands obstacles à surmonter.
Les méthodes de monoculture et d’agriculture industrielle ne fournissent pas suffisamment de produits alimentaires abordables là où sont les besoins, tandis que les dommages environnementaux causés par cette approche non durable s’aggravent. D’après le rapport, la plus haute priorité doit consister à donner aux pauvres ruraux les moyens de parvenir à l’autosuffisance alimentaire ou d’avoir un revenu suffisant issu de l’agriculture pour pouvoir se nourrir.
Le rapport souligne qu’une réorientation est nécessaire au profit de divers modes de production qui reflètent le caractère multifonctionnel de l’agriculture et renforcent les cycles nutritifs fermés. En outre, étant donné que les coûts environnementaux de l’agriculture industrielle sont grandement négligés, les gouvernements devraient veiller à ce que davantage de produits alimentaires soient cultivés là où sont les besoins. Il recommande également d’ajuster les règles commerciales pour encourager, autant que possible, la production alimentaire régionale/locale, et l’échange, autant que nécessaire, de produits alimentaires.
La stratégie passée qui a consisté à être tributaire des marchés internationaux pour répondre à la demande de produits alimentaires de base tout en se spécialisant dans la production et l’exportation de cultures de rente lucratives, a récemment montré qu’elle ne parvenait pas aux résultats souhaités étant donné qu’elle était tributaire de la faiblesse des prix des produits de base et de l’absence de pénurie de l’offre sur les marchés internationaux, des conditions qui ont considérablement changé depuis le début du siècle. En outre, la mondialisation a encouragé une spécialisation très poussée, ce qui a conduit à la production à plus grande échelle d’une plus petite variété de cultures et a créé d’énormes tensions sur les coûts, aggravant ainsi la crise agricole environnementale et réduisant la résistance de l’agriculture.
Communiqué de presse
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UNCTAD/PRESS/PR/2013/043 UN rapport de la CNUCED préconise d’appliquer l’approche «mosaïque» à l’agriculture et de renforcer le soutien aux petits agriculteurs
Selon le Trade and Environment Report, les petites exploitations agricoles doivent être appréciées au regard des services écologiques qu’elles rendent
Geneva, Suisse, 18 septembre 2013