Les décisions arbitrales fondées sur les législations nationales en matière d’investissement restent beaucoup moins étudiées que l’abondante jurisprudence sur les affaires d’arbitrage investisseur–État (ISDS) fondées sur des traités. Cette lacune limite la capacité des décideurs à anticiper l’interprétation par les tribunaux arbitraux des dispositions internes, à articuler clairement l’intention de l’État et à éviter des conséquences non souhaitées. Elle engendre également des risques là où les lois sur l’investissement interagissent avec des obligations qui se recoupent ou se contredisent dans les traités bilatéraux d’investissement (TBI) et d’autres traités comportant des dispositions sur l’investissement (TIP). Les formulations larges ou ambiguës des clauses d’arbitrage, en particulier, peuvent exposer les États à des recours inattendus et restreindre leur marge de manœuvre en matière de politique.
Il est donc indispensable et urgent de garantir une plus grande cohérence entre la législation interne et les cadres internationaux modernisés relatifs aux traités. Alors que les gouvernements entreprennent des réformes des politiques d’investissement, y compris la révision, le remplacement ou la résiliation des traités de première génération, il devient essentiel de comprendre les tendances interprétatives et les conséquences des choix rédactionnels dans les lois sur l’investissement.
S’appuyant sur le Investment Policy Monitor, n° 29 sur les tendances des lois en matière d’investissement, le présent numéro porte sur les décisions arbitrales fondées sur les législations nationales en matière d’investissement. Il met en avant les conséquences potentielles de certaines formulations législatives et soutient les réformes pouvant renforcer la gestion des risques de litige, aligner les cadres nationaux sur les normes mondiales en évolution et protéger les objectifs de développement durable.
La section 1 passe en revue les affaires ISDS dans lesquelles les lois nationales sur l’investissement ont été invoquées, en analysant les États défendeurs et les États d’origine des investisseurs, les règles d’arbitrage appliquées, les résultats et les secteurs économiques concernés.
La section examine également les dispositions relatives au règlement des différends dans les lois sur l’investissement et identifie des approches pour renforcer la prévention et le règlement précoce des différends.
La section 2 tire des enseignements de la pratique arbitrale, montrant comment les tribunaux ont interprété les principales clauses des lois sur l’investissement, les risques et implications pour les États, et comment ces enseignements peuvent éclairer la conception ou la réforme de la législation nationale sur l’investissement.
L’IPM conclut par un résumé des principaux points à retenir pour guider les décideurs dans la réforme des lois sur l’investissement.
Principales constatations :
- Les clauses de consentement automatique ou rédigées en termes généraux à l’arbitrage dans les lois sur l’investissement peuvent réduire la marge de manœuvre des États et les exposer à des recours en arbitrage international similaires à ceux prévus par les accords internationaux d’investissement.
- Neuf affaires sur dix de règlement des différends investisseur–État fondées sur des lois sur l’investissement ont été engagées contre des économies en développement, reflétant l’usage répandu de telles lois dans ces juridictions. Plus des deux tiers des lois invoquées ont été adoptées entre 1995 et 2014.
- Environ 40 % des affaires conclues l’ont été en faveur de l’État, mais les investisseurs ont obtenu gain de cause dans 58 % des affaires tranchées sur le fond. La plupart des recours concernent l’expropriation (85 %) et les dispositions relatives au traitement juste et équitable dans les lois sur l’investissement (47 %).
- Les conséquences financières importantes par affaire – 215 millions de dollars au titre des indemnités accordées et 5,7 millions de dollars de frais juridiques – soulignent la nécessité pour les États de bien encadrer les dispositions d’arbitrage dans les lois sur l’investissement.
- La pratique arbitrale montre qu’une rédaction précise, des communications gouvernementales cohérentes et des règles de transition claires sont cruciales pour éviter des interprétations imprévues des clauses de règlement des différends dans les lois sur l’investissement et réduire les litiges sur la compétence.
- Des définitions précises des investissements protégés, des conditions de conformité au droit national et des garanties anti-corruption, ainsi que des exclusions clairement définies pour des raisons de sécurité ou d’ordre public, sont également essentielles pour préserver l’espace réglementaire.
- Assurer une plus grande cohérence entre les lois nationales sur l’investissement et les cadres internationaux modernisés relatifs aux traités est à la fois nécessaire et urgent pour réduire les chevauchements, l’insécurité juridique et les conséquences juridiques non souhaitées.
