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Dans les pays les plus pauvres, l'égalité des sexes dépendra des choix politiques post-pandémie

08 juin 2021

Alors que les décideurs politiques des pays les moins avancés s'attaquent aux conséquences sociales et économiques de la COVID-19, il leur faut s’assurer que les efforts de redressement tiennent compte de la dimension liée au genre.

An African woman farmer with her child
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Une femme agricultrice de subsistance en Sierra Leone. Photo d'Annie Spratt.

Bien que le nombre de cas confirmé de COVID-19 par habitant ait été plus faible que prévu dans les pays les moins avancés (PMA), les retombées socio-économiques sur leurs populations ont été terribles, faisant basculer 32 millions de personnes dans l'extrême pauvreté en 2020.

Dans ces pays, ce sont les femmes qui ont le plus souffert de la crise, leurs emplois dépendant principalement des secteurs les plus touchés, comme le tourisme, l'horticulture ou le textile.

Une nouvelle étude de la CNUCED et du Cadre intégré renforcé (CIR) avertit que l'écart entre les sexes en matière de revenus et de bien-être général dans les PMA continuera de s'aggraver si les efforts de relance de la COVID-19 n'adoptent pas une perspective de genre.

« Alors que les décideurs tentent de toute urgence de relancer leurs économies, ils devraient veiller à ce que les femmes et les hommes reçoivent les moyens et le soutien nécessaires pour se remettre de cette crise », a déclaré Isabelle Durant, Secrétaire générale par intérim de la CNUCED, en présentant l'étude le 8 mars.

« Pour une reprise inclusive et de meilleure qualité, les politiques doivent être attentives à la dimension de genre », a-t-elle ajouté.

Des politiques commerciales sensibles au genre sont nécessaires

L'étude, intitulée Trade and Gender Linkages : An analysis of Least Developed Countries, fournit des recommandations pour aider les gouvernements des PMA à adopter des politiques commerciales plus sensibles à la dimension de genre.

Ratnakar Adhikari, directeur du FEI, a déclaré : « Le chemin était déjà long pour combler l'écart entre les sexes dans le monde, et la pandémie a rendu ce parcours encore plus ardu, notamment dans les pays les plus pauvres du monde, là où les défis auxquels les femmes sont confrontées sont encore plus importants. »

« Si nous sommes déterminés à transformer la vie des femmes à travers le monde, nous devons commencer par les pays les moins avancés. »

Le lancement du rapport a eu lieu dans le cadre de l'initiative Les 8 du mois - Until we're there de la CNUCED, qui vise à maintenir les questions d'égalité des sexes à l'ordre du jour chaque mois.

L'analyse et les discussions alimenteront les débats de haut niveau sur la vulnérabilité et l'inégalité lors de la 15e conférence ministérielle de la CNUCED, qui se tiendra dans la semaine du 3 octobre prochain.

Les opportunités à l’export ne sont pas neutres en termes de genre

Les économies des PMA – un groupe de 46 pays où vivent plus d'un milliard de personnes – dépendent fortement de quelques exportations.

Pour certains, comme dans la plupart des PMA africains, il s'agit de produits agricoles et de minéraux. Pour d'autres, il s'agit de textiles (la plupart des PMA asiatiques) ou de services touristiques (petites îles).

Une telle dépendance à l'égard des exportations et un tel manque de diversité économique rendent le groupe extrêmement vulnérable aux aléas sur les marchés internationaux.

La crainte que les femmes profitent moins que les hommes de la reprise du commerce tient aux rôles différents que jouent les hommes et les femmes dans les principaux secteurs d'exportation des PMA, indique le rapport.

Maintenues dans l'agriculture de subsistance

Dans les PMA, les femmes représentent entre 41 % et 45 % de l'emploi total dans l'agriculture.  La ségrégation entre les sexes les maintient dans l'agriculture de subsistance, en raison de leur rôle traditionnel consistant à assurer la sécurité alimentaire de la famille.

« Dans les PMA, cela signifie que les femmes travaillant dans l'agriculture gagnent moins que les hommes et sont moins à même de tirer parti des marchés à l’exportation », a déclaré Simonetta Zarrilli, responsable du programme de la CNUCED sur le commerce, la parité et le développement.

Le rapport recommande aux gouvernements de procéder à des analyses des chaînes de valeur selon le genre et dans les principaux secteurs d'exportation agricole. Objectif : identifier les écarts existants entre les sexes et formuler des politiques qui ciblent mieux les obstacles auxquels les femmes sont confrontées.

Il s'agit entre autres des lois coutumières qui empêchent les femmes de posséder des terres ou d'autres biens, ce qui les aideraient à obtenir des crédits.

Les solutions peuvent inclure des politiques qui stimulent la participation des femmes aux services de vulgarisation agricole ainsi que des programmes de prêts ciblés pour les femmes dans les principaux secteurs d'exportation.

La formalisation peut avoir des conséquences inattendues

Le travail informel dans les mines artisanales et à petite échelle est une source importante de revenus pour les femmes dans les PMA, notamment en Afrique.

Les femmes représentent environ 75 % des travailleurs dans les petites exploitations minières en Guinée et 50 % au Mali. Elles effectuent principalement des tâches moins bien rémunérées, souvent manuelles et comportant des risques sanitaires élevés, comme dans le concassage du marbre.

Le rapport met en garde contre la tendance à formaliser l'exploitation minière artisanale et à petite échelle, qui risque de laisser les femmes encore plus à la traîne. 

« Souvent les femmes ne détiennent aucun permis et sont exclues des décisions prises dans les coopératives et les comités miniers, surtout en Afrique subsaharienne. Il est donc peu probable qu'elles bénéficient d'une formalisation axée sur les permis et les coopératives », a déclaré Mme Zarrilli.

Pour éviter un tel résultat, le rapport exhorte les gouvernements à simplifier les procédures de formalisation et à veiller à ce que les femmes disposent des outils et des connaissances nécessaires pour franchir avec succès les étapes requises.

Des salaires plus élevés, mais toujours inférieurs à ceux des hommes

Les exportations de produits manufacturés sont particulièrement importantes dans les PMA asiatiques, ainsi que dans quelques PMA africains. On a assisté à une « féminisation » des emplois dans les zones franches d'exportation (ZFE) - zones exclusives où les matériaux importés sont transformés avant d'être exportés à nouveau.

Au Cambodge, la moitié des employés de ces zones sont des femmes. Et elles représentent plus de 62% de la main-d'œuvre dans les ZFE d'Haïti.

Si leurs salaires sont plus élevés qu'en dehors des zones – 17% de plus au Lesotho, par exemple – les femmes occupent toujours des emplois au bas de l'échelle des salaires, avec des normes de travail souvent inadéquates.

Dans les secteurs manufacturiers des PMA, les femmes sont concentrées dans les emplois les moins rémunérés et les moins qualifiés, tandis que les postes de direction sont plus souvent occupés par des hommes – qui profitent donc davantage de l'augmentation des exportations manufacturières.

Pour contribuer à réduire la concentration des femmes dans les emplois manufacturiers peu qualifiés, le rapport indique que les gouvernements devraient accorder une plus grande priorité aux politiques de l’emploi, telles que les programmes de formation professionnelle, et aux politiques de la demande, y compris les programmes qui offrent des incitations dans des secteurs spécifiques.

Une nouvelle approche du tourisme

Dans les PMA africains et insulaires, le tourisme offre aux femmes d'importantes opportunités dans l’entrepreneuriat et des emplois - même si la plupart restent informelles et temporaires.

En Tanzanie, par exemple, 38% des femmes n'ont pas de contrat formel. C'est le cas de 46% des femmes travaillant dans le tourisme au Mozambique.

À l'instar de l'industrie manufacturière, le secteur est également marqué par une ségrégation professionnelle intense, les hommes occupant la plupart des postes de gestion et de direction, tandis que les femmes effectuent principalement des tâches peu qualifiées et faiblement rémunérées, telles que l'entretien ménager, les travaux de cuisine et le service dans la restauration.

« Pour faire progresser l’égalité des sexes dans ce secteur, il faudrait un modèle touristique reposant davantage sur des entreprises petites et moyennes », a déclaré Mme Zarrilli, citant les exemples de l'agrotourisme, de l'écotourisme et du tourisme communautaire.

« Une autre voie prometteuse pour soutenir les femmes dans les PMA », a-t-elle ajouté, « consisterait à établir des liens plus forts entre le tourisme et d'autres secteurs économiques, notamment avec les chaînes de valeur agricoles, les secteurs de la confection et de production d'objets artisanaux. »

L'étude « Trade and Gender Linkages : An analysis of Least Developed Countries » propose également un nouveau module de formation en ligne sur le commerce et la parité, dispensé par la CNUCED. Une cohorte de 184 nouveaux participants, fonctionnaires gouvernementaux, universitaires et représentants de la société civile, a entamé ce cours le 31 mai et devrait conclure cette formation le 25 juillet.