Le changement climatique aggrave la crise de la dette dans les pays en développement. La CNUCED présente les actions à entreprendre pour sauvegarder les ambitions mondiales en matière de développement durable.
Le monde ne peut se permettre l'inaction face au chevauchement de la dette publique et du changement climatique, selon un récent rapport de la CNUCED intitulé « Tackling debt and climate challenges in tandem : A policy agenda. »
Le rapport met en garde contre « un cercle vicieux de vulnérabilités perpétuelles et de stagnation économique » dans les économies endettées sur les lignes de fronts du changement climatique.
Il préconise un meilleur accès au financement pour les pays vulnérables, à des conditions permettant de garantir à la fois la soutenabilité de la dette et les besoins de développement à long terme.
Il propose un agenda politique multilatéral afin de stimuler une transformation structurelle résiliente au changement climatique dans les économies vulnérables du monde.
Le rapport indique que ces politiques « devraient commencer par une réforme de l'architecture de la dette internationale et par l'augmentation du financement public du développement, à des conditions abordables, pour les investissements climatiques. »
Une dette insoutenable en période d'urgence climatique
Actuellement, 29 des 69 pays les plus pauvres éligibles à un financement concessionnel dans le cadre de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC) du Fonds monétaire international (FMI) se trouvent à l'intersection d'une dette élevée et de vulnérabilités climatiques.
Mais ce chevauchement ne se limite pas aux économies éligibles à la FRPC, pour lesquelles le FMI communique le risque de surendettement, c'est-à-dire qu'un pays n'est pas en mesure de rembourser ses dettes.
Plusieurs pays à revenu moyen inférieur, comme le Sri Lanka et le Liban, qui ont tous deux fait défaut sur leurs dettes, sont également vulnérables au changement climatique.
Des menaces qui se chevauchent, un financement insuffisant
Le rapport met en lumière les défis se renforçant mutuellement auxquels sont confrontées les économies en développement, notamment les besoins d'investissement croissants pour l'action climatique, la dette publique insoutenable et le sous-investissement qui en résulte.
Alors que les chocs liés au climat - tels que les sécheresses et les inondations - deviennent plus fréquents et plus violents, la capacité des pays en développement à y faire face est fortement compromise par le fardeau croissant de la dette et une marge de manœuvre budgétaire limitée.
Actuellement, plus de 70 % du financement public destiné à la lutte contre le changement climatique prend la forme d'une dette et est principalement consacré à l'atténuation du changement climatique.
Parallèlement, le programme des Nations Unies pour l'environnement prévoit que les besoins annuels d'adaptation des pays en développement pourraient s'élever à 340 milliards de dollars d'ici à 2030, et à 565 milliards de dollars d'ici à 2050.
Comme les pertes et les dommages causés par le changement climatique accentuent la pression sur les budgets publics, les emprunts extérieurs augmentent généralement à la suite d'un choc climatique.
Mais comme l'a souligné la secrétaire générale de la CNUCED, Rebeca Grynspan, le monde manque d'un système efficace pour gérer la dette.
« L'architecture actuelle de la dette n'est pas adaptée à la situation », indique le rapport. « Elle est incapable de faciliter à la fois la mobilisation d’un financement pour le développement adéquat et une résolution ordonnée et rapide des crises de la dette. »
Comment réformer l'architecture mondiale de la dette
Le rapport identifie trois manières d'intégrer les considérations climatiques dans une architecture internationale de la dette réformée.
Premièrement, il préconise un cadre juridique multilatéral pour la restructuration et l'allègement de la dette souveraine. Ce cadre devrait permettre les moratoires temporaires, les arrêts de contentieux et les prêts aux pays en situation d'arriérés de paiement afin de protéger la capacité des pays débiteurs à respecter leurs obligations économiques, sociales et en matière de droits de l'homme pendant une crise.
La participation à un tel cadre multilatéral devrait être autorisée pour tous les pays confrontés à des problèmes d'endettement - indépendamment du niveau de revenu - et encouragée par l'octroi d'un allégement de la dette lié à une évaluation de la soutenabilité de la dette qui incorpore les besoins de financement à long terme, notamment pour la réalisation de l'Agenda 2030 et de l'Accord de Paris sur le changement climatique.
Deuxièmement, elle exhorte à la création d'un registre de données sur la dette des pays en développement accessible au public. Cela permettrait de renforcer la gestion de la dette, de réduire le risque de surendettement et d'aider à développer le financement dans les domaines environnemental, social et de la gouvernance.
Troisièmement, elle appelle à l'adoption d'instruments de dette contingent liés au changement climatique afin de permettre une suspension automatique et temporaire des paiements de la dette, après qu'un pays endetté ait subi une catastrophe climatique causant des dommages dépassant des seuils prédéfinis.
Comment renforcer le financement pour le développement
Le rapport propose également des initiatives multilatérales pour aider à combler le déficit de financement pour le développement.
Il recommande la création d'un forum fiscal intergouvernemental pour aider les pays à endiguer les flux financiers illicites et à mieux mobiliser les ressources nationales.
Il appelle les pays développés à renforcer les engagements existants en matière d'aide publique au développement (APD) en y ajoutant des ressources supplémentaires destinées à l'adaptation au changement climatique.
Les droits de tirage spéciaux (DTS) peuvent également renforcer le financement pour le développement, grâce à des mécanismes innovants tels qu'une nouvelle allocation générale de DTS pour répondre aux crises mondiales actuelles.
Le rapport préconise également de redoubler d'efforts pour accroître la dotation en capital des banques multilatérales et régionales de développement, compte tenu de leur rôle crucial dans la provision de financement pour le développement à conditions concessionnelles.
La CNUCED recommande d'utiliser l'indice de multi-vulnérabilité des Nations unies (MVI) comme critère pour les prêts concessionnels, où les pays débiteurs empruntent au niveau international à des conditions plus favorables que sur le marché.
En comparaison avec les seuils de revenu, le MVI vise à saisir toutes les dimensions de la vulnérabilité - économique, sociale et environnementale - et tient compte de la résistance des pays aux chocs extérieurs.