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La guerre en Ukraine réduit de 1 % les perspectives de croissance mondiale

24 mars 2022

Un rapport de la CNUCED révise à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie mondiale de 3,6 % à 2,6 % pour 2022. Les pays en développement devraient avoir besoin de 310 milliards de dollars pour assurer le service de leur dette publique extérieure en 2022.

© UNICEF/Anton Skyba pour le Globe and Mail | Un homme photographie un immeuble à Kiev, en Ukraine, qui a été fortement endommagé lors du conflit.

L'organe de l'ONU chargé du commerce et du développement a revu à la baisse sa projection de croissance économique mondiale pour 2022, la ramenant de 3,6 % à 2,6 %, en raison de la guerre en Ukraine et des changements de politiques macroéconomiques opérés par les pays au cours des derniers mois.

Alors que la Russie connaîtra une profonde récession cette année, des ralentissements significatifs de la croissance sont attendus dans certaines parties de l'Europe occidentale et de l'Asie centrale, du Sud et du Sud-Est.

La guerre en cours en Ukraine est susceptible de renforcer la tendance au resserrement monétaire dans les pays avancés, après des mesures similaires qui ont débuté fin 2021 dans plusieurs pays en développement en raison des pressions inflationnistes, avec également des réductions de dépenses prévues dans les prochains budgets.

La CNUCED craint que la combinaison d'un affaiblissement de la demande mondiale, d'une coordination insuffisante des politiques au niveau international et de niveaux d'endettement élevés dus à la pandémie ne génère des ondes de choc financières susceptibles de pousser certains pays en développement dans une spirale infernale d'insolvabilité, de récession et d'arrêt du développement.

"Les effets économiques de la guerre en Ukraine vont aggraver le ralentissement économique actuel dans le monde et affaiblir la reprise après la pandémie de la COVID-19", a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED.

"De nombreux pays en développement ont eu du mal à obtenir une reprise économique dynamique au sortir de la récession de la COVID-19 et sont maintenant confrontés à de forts vents contraires dus à la guerre. Que cela conduise à des troubles ou non, une profonde anxiété sociale se répand déjà."

Même en l'absence de perturbations durables des marchés financiers, les économies en développement seront confrontées à de graves contraintes en matière de croissance. Pendant la pandémie, leurs stocks de dette publique et privée ont augmenté. Et les problèmes qui ont été occultés pendant la pandémie, notamment le fort endettement des entreprises et la hausse de la dette des ménages dans les pays en développement à revenu intermédiaire, referont surface avec le resserrement des politiques.

Flambée des prix et instabilité des taux de change

La guerre a exercé de nouvelles pressions à la hausse sur les prix internationaux de l'énergie et des produits de base. Cela a grevé les budgets des ménages et a augmenté les coûts de production, tandis que les perturbations du commerce et les effets des sanctions risquent d’atténuer les investissements à long terme.

Alors que les perturbations liées à la pandémie semblaient se calmer, la crise géopolitique a porté un coup à la confiance dans le monde entier. "La pression supplémentaire exercée par les hausses de prix intensifie les appels à une réponse politique dans les économies avancées, y compris sur le front fiscal, ce qui menace un ralentissement plus marqué que prévu de la croissance", indique le Rapport.

La flambée des prix des denrées alimentaires et des carburants aura un effet immédiat sur les plus vulnérables dans les pays en développement, entraînant la faim et des difficultés pour les ménages qui consacrent la plus grande part de leurs revenus à l'alimentation. Mais la perte de pouvoir d'achat et de dépenses réelles sera finalement ressentie par tous.

"Le danger pour de nombreux pays en développement qui dépendent fortement des importations de denrées alimentaires et de combustibles est plus profond, car la hausse des prix menace les moyens de subsistance, décourage les investissements et fait planer le spectre d'un creusement des déficits commerciaux", indique le Rapport.

Indice FAO des prix alimentairesfood price index, 1961–2022
(indice : moyen 2014-2016 = 100)

 

FAO food price index from January 1961 to February 2022

Source: L'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO)
Note: Les données de 2022 correspondent à la moyenne de janvier et février.
 
 

Le Rapport ajoute que les incertitudes générées par la guerre sur les principaux marchés internationaux sont de plus en plus préoccupantes : un environnement de flux de capitaux volatils, d'instabilité des taux de change et de hausse des coûts d'emprunt, en particulier pour les pays les moins avancés et ceux à revenu intermédiaire, avec le risque de graves difficultés de paiement de la dette extérieure.

Les hausses de taux dans les économies avancées, conjuguées aux mouvements désordonnés des marchés financiers mondiaux, pourraient, selon le Rapport, constituer une combinaison dévastatrice pour les économies en développement. La volatilité des marchés des matières premières, des devises et des obligations, dans la mesure où les investisseurs recherchent des valeurs refuges, a déjà provoqué une fuite des capitaux et une augmentation des primes de risque sur les engagements financiers des économies en développement.

Les rendements obligataires des pays en développement sont en hausse depuis septembre 2021. Cette hausse est généralisée et constitue un signal clair de durcissement des conditions financières. Depuis l'éclatement du conflit en Ukraine, les rendements ont augmenté de 36 points de base supplémentaires, en moyenne, pour les pays en développement, alors que les pays fortement dépendants des importations de produits alimentaires connaissant des hausses plus importantes.

Le Rapport prévient que les indicateurs financiers traditionnels, tels que les positions des comptes courants et les réserves de change, ne donnent pas une image complète de la vulnérabilité à l'évolution des conditions financières extérieures. Les mesures de l'intégration financière sont un meilleur indicateur, de nombreuses larges économies en développement étant vulnérables aux inversions soudaines des flux financiers.

Le Rapport souligne que les besoins du service de la dette publique à court terme constituent une préoccupation croissante. Les pays en développement devraient avoir besoin de 310 milliards de dollars pour assurer le service de la dette publique extérieure en 2022, soit l'équivalent de 9,2 % de l'encours de la dette publique extérieure à la fin de 2020.

Les pays qui semblent vulnérables à un arrêt brutal en raison de la combinaison d'importantes pressions de refinancement et d'un ratio ‘service de la dette/exportations’ élevé sont le Pakistan, la Mongolie, le Sri Lanka, l'Égypte et l'Angola. Trois d'entre eux, le Pakistan, l'Égypte et l'Angola, ont déjà des programmes à long terme du FMI en place.

Les politiques des économies avancées sont à l'origine de la décélération économique

Selon le Rapport, les principales économies avancées sont en passe d'inverser les mesures de relance prises pendant la pandémie, en resserrant les taux directeurs, en révoquant les achats d'actifs par les banques centrales et en mettant fin aux programmes de chômage partiel, aux transferts et aux aides aux entreprises et aux ménages. Ces mesures sont prises alors même que l'inflation n'a pas encore entraîné une croissance soutenue des salaires, ce qui rend la menace d'une spirale salaires-prix sans fondement.

Le Rapport prévient que ces changements vont affaiblir la demande mondiale et freiner la croissance, les investissements étant déjà au point mort dans certains pays. La menace d'une chute encore plus marquée de l'investissement et de la croissance ne peut être exclue si les taux d'intérêt augmentent beaucoup trop rapidement et si le défi climatique est relégué au second plan. C'est la mauvaise tendance politique au mauvais moment.

Le Rapport note que les pays en développement, qui ont supporté des coûts plus importants pour faire face à la pandémie, sont confrontés à des contraintes supplémentaires sur la demande et sur les obligations de balance des paiements en raison du récent changement de politique dans les économies avancées.

Recommandations politiques

La CNUCED recommande les actions suivantes pour protéger l'économie mondiale :

  1. Un soutien financier multilatéral plus important, plus concessionnel et moins conditionnel, pour les pays en développement afin de leur permettre de résister aux chocs financiers et économiques et d'augmenter les investissements pour soutenir la croissance économique.
  2. Un allègement immédiat de la dette de l'Ukraine ainsi que la reprise des discussions sur un mécanisme multilatéral qui favorise la restructuration équitable et ordonnée de la dette souveraine des pays en développement pendant les périodes de fortes tensions financières.
  3. Une utilisation accrue des droits de tirage spéciaux pour compléter les réserves officielles et fournir des liquidités en temps opportun afin d'éviter de graves ajustements déflationnistes.
  4. Des accords de swap plus efficaces et moins ad hoc entre les banques centrales pour soutenir les monnaies des pays en développement et faire face aux crises financières.
  5. Des politiques sectorielles, y compris le contrôle des prix et les subventions, pour s'attaquer aux pressions sur l'inflation du côté de l'offre et des marges.

L'Évaluation Rapide par la CNUCED de l'impact de la guerre en Ukraine sur le commerce et le développement a confirmé que les perspectives de l'économie mondiale s'aggravaient rapidement, sous l'effet de la hausse des prix des denrées alimentaires, des carburants et des engrais, de la volatilité financière accrue, du désinvestissement en matière de développement durable, de la reconfiguration complexe des chaînes d'approvisionnement mondiales et de l'augmentation des coûts commerciaux.