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Le commerce fait partie de la solution à la perte de biodiversité : pourquoi ?

21 mai 2021

Le commerce non-durable est à l'origine de la crise qui touche la biodiversité et menace notre existence. Mais si nous échangeons de manière durable, le commerce international peut contribuer à protéger les précieuses ressources de notre planète.

Un agriculteur sèche des grains de café. © novian

Au niveau mondial, environ 1 million d'espèces végétales et animales sont aujourd'hui menacées d'extinction. Certaines estimations tiennent le commerce Mondial pour responsable de près d’un tiers des disparitions d’espèces naturelles.

Le café, le chocolat et le bœuf ne sont que quelques exemples de produits consommés quotidiennement partout dans le monde et qui ont un lien avec la perte de biodiversité.

Au fil des décennies, la part du commerce dans le PIB n'a cessé d'augmenter, passant de 36 % en 1979 à 60 % en 2020. Aujourd'hui, la plupart de ce que nous achetons et consommons est importé. Ainsi notre empreinte sur la biodiversité peut être plus importante à l'étranger que chez nous.

Alors que le monde célèbre la Journée de la biodiversité 2021, le 22 mai, dont le slogan clame que « Nous faisons partie de la solution #PourLaNature », le rôle du commerce dans la lutte contre la perte de biodiversité n'a jamais été aussi important.

« Nous devons être conscients du lien entre biodiversité et commerce lorsque nous étudions les causes de la perte de biodiversité et cherchons des solutions », a déclaré Isabelle Durant, Secrétaire générale par intérim de la CNUCED.

« Pour que le commerce joue un rôle de premier plan dans la lutte contre la perte de biodiversité, il doit être durable tout au long de la chaîne de valeur. »

Le message selon lequel le commerce international, lorsqu'il est durable, peut protéger les précieuses ressources de notre planète, a été repris par des experts du commerce et de la biodiversité lors d'une réunion en ligne organisée le 24 mars par la CNUCED et le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (CDB).

Les deux organisations ont réuni plus de 180 négociateurs, chercheurs, militants, représentants du monde des affaires et fonctionnaires nationaux et internationaux pour débattre du rôle que devrait jouer le commerce dans le cadre mondial pour la biodiversité après 2020.

Un nouveau cadre devrait être adopté lors de la 15e réunion de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP15), prévue du 11 au 24 octobre à Kunming, en Chine.

La conservation seule n'est pas la solution

Les espoirs sont grands de voir la COP15 se conclure par un accord mondial sur des objectifs visant à préserver la biodiversité et à promouvoir des pratiques commerciales durables et la nature, y compris en proposant de préserver 30 % des océans et des terres de la planète d'ici à 2030.

Mais la mise en œuvre réussie de ce cadre exigera également que les pays s'attaquent aux facteurs économiques sous-jacents responsables de la perte de biodiversité. C’est le point de vue des participants à la réunion CNUCED-CBD, qui ont rappelé qu'environ 50 % de l'économie mondiale repose sur la nature.

« Pour relever les défis concernant la biodiversité, la conservation seule n'est pas la solution », ont-ils déclaré dans un rapport final qui servira de contribution aux négociations.

Ce rapport demande que les négociations accordent plus d'attention au commerce et fournit des recommandations sur la manière d'inclure le commerce international dans le nouvel accord sur la biodiversité. Il prône par exemple l’adoption d'indicateurs sur le commerce dans le cadre de suivi.

« S'il est effectué de manière légale et durable, le commerce - moteur de la croissance économique et pourvoyeur de moyens de subsistance - est l'un des éléments qui peuvent contribuer à la réussite du cadre mondial pour la biodiversité après 2020 », indique le rapport.

Tout au long de la chaîne de valeur

Mais pour que le commerce joue un rôle de premier plan dans la lutte contre la perte de biodiversité, il doit être durable tout au long de la chaîne de valeur, de la ferme ou de l'usine jusqu’au magasin. 

Pour ce faire, les participants ont convenu que la certification et une meilleure traçabilité étaient nécessaires.

« Les consommateurs sont de plus en plus désireux de mieux comprendre les chaînes d'approvisionnement », indique le rapport. « S'approvisionner en produits respectueux de la biodiversité, par exemple en produits non issus de déforestation, et faire des choix plus éclairés implique que les consommateurs puissent disposer d'une certification, d'une traçabilité et d'informations sur les méthodes de production notamment. »

Des consommateurs mieux informés peuvent contribuer à favoriser les pratiques durables grâce à leur pouvoir d'achat.

Trop de normes

Pourtant les participants ont regretté que les normes, complexes, soient trop nombreuses. Les consommateurs et les producteurs sont facilement dépassés par les quelque 500 normes durables existantes.

Le cadre mondial pour la biodiversité après 2020 pourrait apporter une solution à ce dilemme en proposant une orientation commune aux multiples normes. Les participants ont toutefois mis en garde contre la recherche d'une « solution unique en matière de commerce et de biodiversité ».

« Il faut trouver un compromis entre la prolifération des normes et la nécessité de trouver des normes et des solutions spécifiques aux industries et aux différents environnements », indique le rapport, qui souligne la nécessité de veiller à ce que les lignes directrices soient cohérentes à l'échelle mondiale tout en étant applicables localement, car les chaînes d'approvisionnement s'étendent généralement sur plusieurs pays et touchent à différentes réalités.

Principes et critères BioTrade

Les principes et critères BioTrade (P&C) de la CNUCED sont un exemple de lignes directrices qui parviennent à un juste équilibre, selon les participants.

L'organisation définit dans son initiative BioTrade la collecte, la production, la transformation et la commercialisation durables des biens et services issus de la biodiversité. Au cours des 25 dernières années, l'initiative a permis de créer plus de 5 millions d'emplois, et les ventes labellisées BioTrade ont dépassé les 6 milliards de dollars en 2019.

Les P&C BioTrade ont aidé des entreprises dans plus de 80 pays à adopter des pratiques commerciales respectueuses de la biodiversité, de la production de chocolat à l’organisation d’excursions pour observer les oiseaux.

En Namibie, par exemple, les directives aident la coopérative de femmes Eudafano à s'assurer qu'elles produisent de manière durable les dérivés de graines de marula et de melon kalahari, ingrédients destinés à l'industrie cosmétique.

« Contrairement à de nombreux labels de durabilité, les principes et critères BioTrade offrent un ensemble de directives que les gouvernements, les entreprises et la société civile peuvent adapter aux réalités locales », a déclaré Lorena Jaramillo, chef de projet de l'initiative BioTrade à la CNUCED.

« Et les coûts de certification sont plus abordables pour les petits producteurs et les entreprises », a-t-elle ajouté.

Publiées pour la première fois en 2007, les P&C BioTrade ont été mis à jour en 2020 afin d’y inclure les enseignements et meilleures pratiques tirés des expériences menées dans plusieurs pays.

Cette mise à jour a également permis d'aligner les lignes directrices sur les principaux accords internationaux, notamment sur le programme de développement durable des Nations Unies à l'horizon 2030, sur l'accord de Paris sur le climat et sur le protocole de Nagoya concernant l'accès aux ressources génétiques naturelles et le partage juste et équitable des avantages qui en découlent avec les populations locales.

Les participants ont déclaré que les P&C BioTrade pourraient encourager les entreprises, grandes et petites, à contribuer au cadre de biodiversité après 2020, en fournissant des directives faciles à suivre pour rendre leurs opérations plus respectueuses de l'environnement. 

« Le cadre mondial pour la biodiversité après 2020 est une occasion d'intégrer la biodiversité dans le secteur du commerce », indique le rapport. « Les principes et critères BioTrade en constituent une boussole très utile ».

« De nombreux défis demeurent, mais il reste de nombreuses opportunités à explorer », a déclaré Bianca Brasil, représentante de la CDB.

« Cet atelier a démontré qu'il y a beaucoup à gagner en s'engageant avec différents acteurs, et son rapport final contribuera à renforcer les arguments en faveur du commerce durable dans le contexte du nouveau cadre pour la biodiversité. »

La réunion en ligne CNUCED-CBD a été organisée avec le soutien financier du Secrétariat d'État suisse à l'économie SECO.