Environ 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays qui dépensent plus en paiement des intérêts de la dette que pour l'éducation ou la santé.
Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a présenté aujourd'hui le rapport "Un monde de dettes: un fardeau de plus en plus lourd pour la prospérité mondiale". Il a lancé un sérieux avertissement alors que la dette publique mondiale a atteint un niveau record de 92 000 milliards de dollars en 2022.
Cette multiplication par cinq du niveau de la dette publique depuis 2000 exige une action immédiate pour lutter contre l'escalade des crises qui touchent en particulier les pays en développement.
Le Secrétaire général des Nations unies a souligné : « En moyenne, les pays africains dépensent quatre fois plus pour leurs emprunts que les États-Unis et huit fois plus que les économies européennes les plus riches. Au total, 52 pays, soit près de 40 % du monde en développement, connaissent de graves problèmes d'endettement ».
Des inégalités inhérentes au système
Cette disparité des taux d'intérêt met en évidence l'inégalité inhérente au système financier international, qui pèse de manière disproportionnée sur les pays en développement. Aujourd'hui, la moitié des pays en développement consacrent au moins 7,4 % de leurs recettes d'exportation au service de leur dette publique extérieure.
La croissance rapide des paiements d'intérêts, qui dépassent les autres dépenses publiques, est particulièrement préoccupante. Il est alarmant de constater que certains gouvernements sont contraints de dépenser davantage pour le service de la dette que pour des secteurs essentiels tels que la santé et l'éducation. Fait inquiétant, le rapport montre qu'au moins 19 pays en développement consacrent plus d'argent aux paiements de ces intérêts qu'à l'éducation, et que 45 pays consacrent plus d'argent aux paiements d'intérêts qu'aux dépenses de santé.
La dépendance croissante à l'égard des créanciers privés, qui proposent des emprunts plus coûteuss et des échéances plus courtes que les sources officielles, a également compliqué la restructuration de la dette des pays en développement. Actuellement, les créanciers privés détiennent 62 % de la dette publique extérieure, contre 47 % il y a dix ans. Il n'existe cependant aucun mécanisme permettant de déterminer comment restructurer la dette entre les différentes catégories de créanciers.
Des réformes urgentes s'imposent
Les Nations unies appellent de toute urgence à une réforme globale de l'architecture financière internationale, y compris de l'architecture de la dette, afin de favoriser un système plus inclusif qui permette aux pays en développement de participer activement à la gouvernance du système financier international.
Il est de la plus haute importance de s'attaquer au coût élevé de la dette et au risque croissant de surendettement. La mise en place d'un mécanisme d'apurement de la dette est essentielle pour accélérer les progrès dans le cadre commun du G20 pour le traitement de la dette, qui a rencontré des difficultés en raison de problèmes de coordination entre les créanciers et de l'absence de clauses de suspension automatique du service de la dette.
Les pays en développement, en particulier ceux qui sont lourdement endettés, ont besoin de liquidités accrues en période de crise. Sinon, une crise de liquidité risque de se transformer en crise de la dette. Il est possible d'y parvenir en développant le financement d'urgence. Le filet de sécurité mondial doit fonctionner. Des mesures telles que le renforcement de l'utilisation des droits de tirage spéciaux, la suspension temporaire des commissions additionnelles du FMI et l'élargissement de l'accès au financement d'urgence par l'augmentation des quotas doivent être poursuivies.
Une augmentation substantielle de financements à long terme abordables est également nécessaire. Pour y parvenir, nous devrons transformer et élargir les banques multilatérales de développement afin de soutenir le développement durable à long terme et mobiliser davantage de ressources privées à des conditions plus équitables. En outre, il est urgent d'augmenter les financements concessionnels pour respecter les engagements en matière d'aide et de financement de la lutte contre le changement climatique.
À propos du Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière
Le Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière de l’ONU (GCRG en anglais) a été créé en mars 2022 par le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, pour s'attaquer aux crises interdépendantes de l'alimentation, de l'énergie et de la finance. Ces crises, notamment l'inflation, l'insécurité alimentaire, la hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement et l'augmentation de la dette, posent des défis importants à la reprise mondiale après la pandémie de COVID-19 et face aux menaces actuelles liées au changement climatique et au conflit en Ukraine.
Le rapport "Un monde de dettes : Un fardeau croissant pour la prospérité mondiale" a été préparé conjointement par le GCRG, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et les cinq commissions économiques régionales des Nations unies : CEA, CEE, CEPALC, CESAP et CESAO.