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Transport maritime : pourquoi la covid-19 fait exploser les taux de fret par porte-conteneurs

23 avril 2021

La CNUCED examine l'origine de la pénurie inédite de conteneurs qui entrave la reprise du commerce, et les moyens d'éviter une telle situation à l'avenir.

Transfert de conteneurs dans le port de Cartagena, en Colombie. / Photo: UNCTAD/Jan Hoffmann

Le blocage du canal de Suez pendant près d'une semaine en mars dernier par le méga-navire Ever Given a déclenché une nouvelle flambée des taux de fret au comptant. Ces taux avaient pourtant commencé à se stabiliser après les sommets historiques atteints pendant la pandémie de COVID-19.

Les taux de fret maritime étant une composante majeure des coûts commerciaux, cette nouvelle hausse constitue un défi supplémentaire pour l'économie mondiale qui s'efforce de se remettre de la pire crise mondiale depuis la Grande Dépression.

"L'incident de l'Ever Given a rappelé au monde à quel point nous dépendons du transport maritime", a déclaré Jan Hoffman, chef de la branche commerce et logistique de la CNUCED. "Environ 80 % des biens que nous consommons sont transportés par des navires, ce que nous oublions facilement."

Les coûts des porte-conteneurs ont un impact particulier sur le commerce mondial. En effet presque tous les produits manufacturés - vêtements, médicaments et produits alimentaires transformés entre autres - sont expédiés dans des conteneurs.

"La plupart des consommateurs seront touchés", a déclaré M. Hoffmann. "De nombreuses entreprises ne pourront pas supporter le poids de la hausse des taux et la répercuteront sur leurs clients."

Une nouvelle note de politique générale de la CNUCED examine pourquoi les taux de fret ont bondi pendant la pandémie et ce qu'il faut faire pour éviter qu’une telle situation se reproduise.


Figure 1 : Indice du fret conteneurisé de Shanghai, taux spot hebdomadaires, du 18 décembre 2009 au 9 avril 2021

Container freight rates
Abréviations : FEU, unité équivalente à 40 pieds ; TEU, unité équivalente à 20 pieds.
Source : Calculs de la CNUCED basés sur des données de Clarksons Research, Shipping Intelligence Network Time Series.


Une pénurie sans précédent

Contrairement aux prévisions, la demande de transport par conteneur a augmenté pendant la pandémie, demande qui a rapidement rebondi après un premier ralentissement.

"Les changements dans les habitudes de consommation et d'achat survenus avec la pandémie, notamment l'essor du commerce électronique, et les mesures de confinement, ont en fait entraîné une augmentation de la demande d'importation en biens de consommation manufacturés, dont une grande partie est transportée par porte-conteneurs maritimes", indique la note d'orientation de la CNUCED.

Les flux commerciaux maritimes ont encore augmenté, certains gouvernements ayant assoupli les mesures de confinement et actionné des plans de relance nationaux. De plus, les entreprises ont constitué des stocks en prévision de nouvelles vagues de la pandémie.

"L'augmentation de la demande a été plus forte que prévu et n’a pas trouvé une offre de transport maritime suffisante", indique la note d'orientation de la CNUCED, ajoutant que la pénurie de conteneurs vides qui s'en est suivie "est inédite".

"Les transporteurs, les ports et les expéditeurs ont tous été pris par surprise", précise-t-elle. "Les conteneurs vides sont restés à des endroits où ils n'étaient pas nécessaires, sans que leur repositionnement soit prévu."

Les causes sous-jacentes sont complexes et renvoient à l'évolution de la structure et aux déséquilibres commerciaux, à la gestion des capacités par les transporteurs au début de la crise et aux retards permanents liés à la COVID-19 aux nœuds de transport, tels que les ports.

Envolée des prix vers les régions en développement

C’est vers les régions en développement que l’impact sur les taux du fret a été le plus fort, là où les consommateurs et les entreprises en ont le moins les moyens.

Actuellement, les taux vers l'Amérique du Sud et l'Afrique de l'Ouest sont plus élevés que vers toute autre grande région commerciale. Début 2021, par exemple, les taux de fret de la Chine vers l'Amérique du Sud avaient flambé de 443 %, contre 63 % entre l'Asie et la côte est de l'Amérique du Nord.

L'explication réside en partie dans le fait que les itinéraires de la Chine vers les pays d'Amérique du Sud et d'Afrique sont plus longs. Il faut davantage de navires pour assurer un service hebdomadaire sur ces trajets, ce qui signifie que de nombreux conteneurs y sont également "bloqués".

"Lorsque les conteneurs vides se font rares, un importateur brésilien ou nigérian doit payer non seulement le transport du conteneur d'importation plein, mais aussi le coût de stockage du conteneur vide", indique le document de politique générale.

Un autre facteur s’explique par le manque de fret pour retourner les conteneurs. Les pays d'Amérique du Sud et d'Afrique de l'Ouest importent plus de produits manufacturés qu'ils n'en exportent, et il est coûteux pour les transporteurs de renvoyer les conteneurs vides vers la Chine, les trajets étant longs.

Comment éviter de futures pénuries

Pour réduire la probabilité qu’une telle situation se reproduise, la note de synthèse de la CNUCED met en évidence trois éléments à prendre en compte : faire progresser les réformes en matière de facilitation du commerce, améliorer le suivi du commerce maritime et ses prévisions, et renforcer les autorités nationales chargées de la concurrence.

Tout d'abord, les décideurs politiques doivent mettre en œuvre des réformes visant à rendre le commerce plus facile et moins coûteux. Beaucoup sont inscrites dans l'Accord sur la facilitation des échanges de l'Organisation mondiale du commerce.

En réduisant les contacts physiques entre les travailleurs du secteur du transport maritime, ces réformes, qui reposent sur la modernisation des procédures commerciales, permettraient également de rendre les chaînes d'approvisionnement plus résilientes et de mieux protéger les employés.

Peu après le déclenchement de l'épidémie de COVID-19, la CNUCED a présenté un plan d'action en 10 points pour maintenir les navires en mouvement, les ports ouverts et assurer la fluidité du commerce durant la crise.

L'organisation s’est associée aux commissions régionales de l'ONU pour aider les pays en développement à accélérer la mise en œuvre de ces réformes et à relever les défis du commerce et des transports rendus cruciaux par la pandémie.

Deuxièmement, les décideurs politiques doivent promouvoir la transparence et encourager la collaboration tout au long de la chaîne d'approvisionnement maritime afin d'améliorer le suivi des escales et des horaires des navires de ligne.

Enfin, les gouvernements doivent veiller à ce que les autorités chargées de la concurrence disposent des ressources et de l'expertise nécessaires pour enquêter sur les pratiques potentiellement abusives dans le secteur du transport maritime.

Bien que la pandémie soit au cœur de la pénurie de conteneurs, des transporteurs peuvent par certaines stratégies avoir retardé le repositionnement de ceux-ci dès le début de la crise.

Assurer la surveillance nécessaire est plus difficile pour les autorités des pays en développement, qui manquent souvent de ressources et d'expertise en matière de transport international de conteneurs.