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Faire de la géographie une opportunité : nouvelles priorités pour les économies enclavées

07 août 2025

ONU commerce et développement propose une stratégie concrète pour aider les pays en développement sans littoral à mieux saisir les opportunités du commerce grâce à la coopération régionale, à la transformation numérique et à des réformes ciblées.

A truck carrying bananas from Kampala, Uganda, a landlocked nation.
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Shutterstock/Pal Teravagimov | Un camion transporte des bananes depuis Kampala, en Ouganda, un pays sans littoral.

  • La CNUCED définit une stratégie fondée sur l'intégration, la numérisation et la facilitation des échanges

  • Les contraintes peuvent être transformées en moteurs de croissance

  • Les corridors régionaux en Afrique et en Asie centrale montrent ce qu'il est possible de réaliser lorsque la coopération fonctionne

  • Le commerce numérique offre aux pays enclavés un moyen de contourner leur situation géographique


Awaza, au Turkménistan, a accueilli cette semaine un sommet des Nations Unies consacré à l'avenir des pays en développement sans littoral, soit 32 pays et plus de 570 millions de personnes. La conférence a abordé les obstacles persistants auxquels ces économies sont confrontées dans les domaines du commerce, de la logistique et de l'investissement.

ONU commerce et développement (CNUCED), dirigée par la Secrétaire générale Rebeca Grynspan, a présenté une vision pratique fondée sur la coopération régionale, la préparation au numérique et des réformes ciblées afin de mettre les pays enclavés sur un pied d'égalité avec le reste du monde.

Que signifie être enclavé en 2025 ?

Cette question est au coeur de la contribution de la CNUCED. Les économies enclavées doivent aujourd'hui supporter des coûts de transport supérieurs de 50 % à la moyenne mondiale et attendre deux fois plus longtemps pour leurs importations. Bien qu'ils abritent plus de 7 % de la population mondiale, ces pays ne représentent encore que 1,2 % du commerce mondial, un chiffre inchangé depuis plus de dix ans.

Pourtant, comme l'a souligné Mme Grynspan, la géographie ne doit pas dicter le destin économique. Avec les bons outils politiques et des partenariats adaptés, les économies enclavées peuvent surmonter leurs désavantages systémiques et se repositionner comme des pôles essentiels au sein de leur région.

L'approche de la CNUCED repose sur trois piliers interdépendants : l'intégration régionale, la transformation numérique et la facilitation des échanges. Chacun d'entre eux offre une voie pour réduire la dépendance vis-à-vis des matières premières, améliorer la connectivité et permettre la diversification.

Une intégration qui renforce la résilience et l'échelle

L'intégration régionale a déjà porté ses fruits. En Afrique de l'Est, le Corridor nord a réduit le temps de passage à la frontière de Malaba de trois jours à seulement trois heures. En Asie centrale, le Corridor central qui relie la Chine à l'Europe a réduit de plus de moitié les temps de transport. Ces changements ne sont pas abstraits : ils se traduisent par des livraisons plus rapides, des coûts réduits et un accroissement des échanges commerciaux pour les producteurs enclavés.

La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) modifie également le profil commercial de la région. Alors que 80 % des exportations africaines hors du continent restent des matières premières, 61 % du commerce intra-africain est désormais constitué de produits transformés. Cette évolution est particulièrement importante pour les pays enclavés, qui bénéficient du soutien des marchés régionaux en matière de valeur ajoutée et de développement industriel.

Commerce numérique : au-delà des frontières

La numérisation apparaît comme le plus puissant facteur de rééquilibrage dans le commerce mondial. Les services numériques ne sont pas bloqués aux frontières et, bien que les pays enclavés ne représentent que 0,3 % des exportations mondiales livrables par voie numérique, ce secteur connaît une croissance rapide et leur offre une chance de faire un bond en avant.

La CNUCED aide à mettre en place les infrastructures, les réglementations et les compétences nécessaires pour être compétitifs. L'utilisation d'Internet dans ces pays a plus que doublé depuis 2014, et le haut débit mobile atteint désormais 86 % de la population.

« Si vous pouvez vous connecter, vous pouvez être compétitif », a déclaré Mme Grynspan. « Mais le potentiel n'a d'importance que si vous l'exploitez. »

Une réforme douanière avec des gains tangibles

La facilitation des échanges reste essentielle, et dans ce domaine, le travail de longue haleine de la CNUCED porte ses fruits. Le programme ASYCUDA, utilisé dans 66 % des pays en développement sans littoral, a transformé les systèmes douaniers en numérisant les procédures, en réduisant les délais de dédouanement jusqu'à 90 % et en augmentant considérablement les recettes. Rien qu'au Malawi, les recettes douanières ont augmenté de 42 % et plus de 600 travailleurs du secteur de la logistique, dont 40 % de femmes, ont été formés au système, renforçant ainsi les capacités nationales à long terme.

Lors de la conférence, la CNUCED et le gouvernement du Turkménistan ont signé un nouvel accord pour lancer la phase 3 du programme ASYCUDA, avec un investissement de 1,5 million de dollars sur trois ans. Cette initiative renforcera la numérisation des douanes, utilisera des outils d'intelligence artificielle pour une gestion plus rationnelle des risques et améliorera l'échange transfrontalier de données. Toutes les déclarations d'importation et d'exportation du Turkménistan étant déjà traitées par voie électronique, le pays se positionne comme une plaque tournante numérique dans la région.

De la vision à la mise en œuvre

Le Programme d'action d'Awaza offre une feuille de route commune, mais le véritable test réside dans sa mise en œuvre. Comme l'a souligné la Secrétaire générale Rebeca Grynspan, le succès ne dépend pas des déclarations, mais des résultats : des frontières plus rapides, davantage d'entrepreneurs numériques et une plus grande valeur ajoutée à l'export.

Le rôle de la CNUCED est d'aider à obtenir ces résultats grâce à un soutien intégré, des outils qui ont fait leurs preuves et un cadre politique qui ouvre aux pays enclavés des perspectives plutôt que de leur imposer des contraintes.

Pour mettre en œuvre le Programme d'action d'Awaza, il faut également des conditions financières plus équitables. Lors de la récente Conférence sur le financement du développement qui s'est tenue à Séville, la CNUCED a souligné que de nombreux pays enclavés avaient besoin non seulement d'un soutien accru, mais aussi de conditions plus équitables en matière de dette, de commerce et d'investissement.

L'organisation a réitéré son appel en faveur d'une réforme de l'architecture financière internationale, notamment d'un renforcement du rôle des banques multilatérales de développement et d'une plus grande cohérence entre les systèmes. Comme l'a déclaré la Secrétaire générale Rebeca Grynspan : « Le développement ne peut être financé de manière cloisonnée : il nécessite une cohérence entre les systèmes et la crédibilité des règles qui les régissent. »