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CNUCED 15 Forum sur le genre et le développement : Panel de haut niveau Façonner des économies et des sociétés sensibles à la dimension de genre - Quel rôle pour le commerce ?

Discours de Isabelle Durant, Deputy Secretary-General of UNCTAD

CNUCED 15 Forum sur le genre et le développement : Panel de haut niveau Façonner des économies et des sociétés sensibles à la dimension de genre - Quel rôle pour le commerce ?

Online
27 septembre 2021

Mesdames et Messieurs,

Bienvenue à tous et toutes,

Il est impossible de penser et de construire des sociétés résilientes, inclusives et durables si les inégalités entre les femmes et les hommes persistent.

Je me suis d’ailleurs souvent demandé pourquoi, dans le monde économique, cette inégalité était considérée comme accessoire, secondaire, et en tout cas non prioritaire.

Il me semble plus que jamais, que surmonter les obstacles auxquels les femmes sont confrontées depuis si longtemps et dans tous les domaines, devrait figurer en tête du nouvel agenda.

Cela nécessite un large éventail de politiques.

Et il ne suffira pas d’encourager par diverses mesures techniques la participation des femmes au commerce en tant que tel. Il faudra aussi des politiques nationales appropriées et une cohérence entre les politiques et les niveaux d’intervention.

Cela va de la protection sociale à l’organisation de la société en passant par l’éducation et la formation, la tolérance 0 par rapport à la violence à l’égard des femmes et la lutte contre les stéréotypes de genre.

La communauté commerciale a finalement, et heureusement, abandonné le point de vue traditionnel selon lequel « le commerce est neutre du point de vue du genre ».

Mais cela reste un domaine de travail relativement nouveau, y compris pour la plupart des pays et des institutions.

Jetons un coup d'œil à quelques données :

  • Dans les pays en développement, les femmes représentent 33 % de la main-d'œuvre des entreprises commerciales, contre seulement 24 % dans les entreprises non-exportatrices ;
  • Les travailleurs, tant dans les économies développées que dans les économies émergentes, ont près de 50% de chances supplémentaires d'occuper un emploi formel s'ils travaillent dans des secteurs qui commercent davantage ou qui sont plus intégrés dans les chaînes de valeur mondiales : ce n’est donc pas un hasard si les femmes sont majoritaires dans le secteur informel ;
  • L'ouverture des marchés, ainsi que la chaîne de valeur numérique, ont créé de nouvelles possibilités d'emplois salariés et d'entrepreneuriat pour les femmes et les hommes. Cependant, les femmes et les hommes n'en ont pas nécessairement profité de manière égale ;
  • Environ 42 % des entreprises dirigées par des femmes sont des micro-entreprises, alors que 22 % de ces entreprises le sont par des hommes. En général, seuls 19 % des sociétés commerciales sont dirigées par des femmes.
  • Examinons l'impact de la libéralisation du commerce dans deux groupes régionaux : Le bloc commercial sud-américain MERCOSUR et la Communauté d'Afrique de l'Est CAE. Et lorsque l’on se penche sur les accords commerciaux et régionaux, nous constatons que les emplois qu’ils ont rendus disponibles pour les femmes le sont principalement dans des tâches simples qui n'incluent pas de responsabilités de gestion ou de supervision, en d'autres termes, il ne s'agit pas d'emplois autonomisants.

Il existe au moins trois façons de rendre la politique commerciale plus sensible à la dimension de genre :

  1. Dans les instruments commerciaux : les questions d'égalité entre les sexes sont abordées dans les accords commerciaux et on est passé de la simple mention de la notion de genre dans les préambules à la présence de chapitres entiers spécifiquement dédiés au genre. Mais cette approche n'est peut-être pas assez ambitieuse dans la mesure où elle ne prévoit pas d'étape spécifique à atteindre en matière d'égalité des sexes, ou si le non-respect des objectifs n'entraîne pas de conséquences. L'accent est trop exclusivement mis sur l'échange d'informations et la coopération technique.
  2. Dans les évaluations ex ante : elles constituent une base solide pour rendre les accords commerciaux plus sensibles à la dimension de genre. Si certains pays procèdent déjà à de telles évaluations (le Canada par exemple), cela devrait devenir la "nouvelle norme". La CNUCED a mis au point une méthodologie pour réaliser une évaluation ex ante des accords commerciaux du point de vue du genre dans sa « Boîte à outils : Commerce et genre.
  3. Les engagements au niveau multilatéral : nous devons poursuivre le chemin entamé avec la Déclaration de Buenos Aires sur le commerce et le genre.

Le groupe de travail informel de l'OMC sur le commerce et le genre fait avancer ce travail, et la CNUCED en fait partie. Alors que le projet de déclaration de la 12e Conférence ministérielle de l’OMC est en cours de discussion, certains points de consensus semblent émerger : c’est désormais à notre conférence de donner le ton et de faire des propositions en cette matière.

Mais comme à l’occasion des chocs précédents, la pandémie de Covid-19 a eu un impact socio-économique disproportionné sur les femmes en raison des désavantages auxquels elles sont confrontées dans les écosystèmes économiques, sociaux, financiers et réglementaires.

La crise a entraîné une diminution des opportunités économiques des femmes : selon l'OIT, en 2020, le taux d'emploi des femmes a diminué de 4,2 %, tandis que celui des hommes a baissé de 3 %. De nombreuses femmes ont carrément quitté le marché du travail, ce qui est très préoccupant pour l'avenir.

Les secteurs où l'emploi féminin est comparativement élevé ont été durement touchés, comme le tourisme. Et les femmes se sont retrouvées en première ligne dans des secteurs jugés essentiels : la santé, les soins ou le commerce de détail (caissières).

La pauvreté est en hausse, pour la première fois en deux décennies. Et elle est plus aiguë dans les ménages dirigés par des femmes.

Quant aux programmes d'intervention et de redressement, ils tiennent compte de la dimension de genre, mais ceux qui sont axés sur la reprise économique n'ont pratiquement pas tenu compte des femmes dans leur conception.

Les femmes restent également sous-représentées dans les processus décisionnels. Par exemple, sur les 225 groupes de travail créés pour concevoir et mettre en œuvre les programmes de sauvetage de la COVID pour lesquels des données sont disponibles, les femmes représentent moins d'un quart des membres et ne sont pas représentées du tout dans 12 % de tous les groupes de travail. Il n'est donc pas surprenant que les résultats de ces taskforces ne soient pas à la hauteur du soutien apporté aux femmes.

Il y a donc à faire, et la CNUCED prendra sa part.