La CNUCED : les politiques industrielles vertes sont essentielles pour que les pays en développement puissent s'adapter aux contraintes d'un climat changeant
- Les pays en développement subissent déjà des pertes économiques relatives trois fois plus importantes que les pays à haut revenu en raison des catastrophes climatiques.
- Les coûts d'adaptation pour les pays en développement ont doublé au cours de la dernière décennie en raison de l'inaction. Ils ne feront qu'augmenter avec la hausse des températures, pour atteindre 300 milliards de dollars en 2030 et 500 milliards en 2050.
- L'adaptation est moins une question de gestion des risques qu'une question de planification du développement, et l'État doit jouer un rôle clé en tant que meilleure plateforme pour se préparer aux impacts climatiques.
2021 a été une nouvelle année chargée d'événements climatiques extrêmes ; des vagues de chaleur plus intenses, des cyclones tropicaux de plus en plus puissants, des sécheresses prolongées et une élévation du niveau des mers sont inévitables, la hausse des températures mondiales entraînant des dommages économiques et des souffrances humaines toujours plus importants.
Dans de nombreux pays en développement, la vulnérabilité aux chocs économiques et climatiques s'aggrave mutuellement, enfermant les pays dans un cercle vicieux écologique et développementaliste jalonné de perturbations permanentes, de précarité économique et de faible croissance de la productivité. Plus la hausse des températures mondiales est importante, plus les pays du Sud subissent des dommages importants.
Figure : Pertes de PIB générées par le réchauffement climatique d'ici le milieu du siècle, par région
Publiée aujourd'hui, la deuxième partie du Rapport sur le commerce et le développement 2021 de la CNUCED appelle à une approche transformatrice de l'adaptation au climat, avec des programmes d'investissement public à grande échelle pour s'adapter aux menaces actuelles et futures, et des politiques industrielles vertes pour stimuler la croissance et la création d'emplois.
La Secrétaire générale de la CNUCED, Rebeca Grynspan, déclare : "Le Rapport démontre qu'une action suffisante pour s'adapter au défi climatique nécessitera une approche transformée, proactive et stratégique plutôt que simplement rétroactive. Mais les gouvernements des pays en développement ont besoin d'une marge de manœuvre politique et budgétaire adéquate pour mobiliser des investissements publics à grande échelle afin de faire face aux futures menaces climatiques, tout en veillant à ce que ces investissements complètent les objectifs de développement."
L'adaptation au climat : plus qu'une affaire risquée
La plupart des discussions se sont concentrées sur l'atténuation du climat, reléguant l'adaptation au deuxième plan. Cette attitude s'avère peu clairvoyante et de plus en plus coûteuse, notamment pour les pays en développement où les chocs climatiques nuisent aux perspectives de croissance et obligent les gouvernements à détourner des ressources rares des investissements productifs.
À tous les niveaux de développement, il a été conseillé de renforcer la résilience aux chocs en améliorant les techniques de collecte de données et d'évaluation des risques afin de mieux protéger les actifs existants ainsi qu’en fournissant un soutien financier temporaire lorsque les chocs se matérialisent.
Le rapport fait toutefois valoir que l'adaptation relève moins de la gestion des risques que de la planification du développement. Les mesures de gestion des risques peuvent apporter une résilience partielle aux risques climatiques actuels, mais ces interventions préservent des structures qui laissent les pays en développement dans un état de vulnérabilité permanente et écartent les options plus prospectives.
Selon Richard Kozul-Wright, directeur de la Division de la mondialisation et des stratégies de développement de la CNUCED, et auteur principal du rapport, "l'adaptation au climat et le développement sont inextricablement liés et les efforts politiques pour s'attaquer à l'adaptation doivent en tenir compte afin d'avoir un impact durable et significatif." La seule solution durable, suggère-t-il, "consiste à mettre en place des économies plus résilientes grâce à un processus de transformation structurelle et à réduire la dépendance des pays en développement à l'égard d'un petit nombre d'activités sensibles au climat."
Modernisation de l’État développementaliste
Le Rapport propose un État développementaliste "modernisé", habilité à mettre en œuvre des politiques industrielles vertes et adapté aux circonstances économiques locales, comme étant la meilleure voie à suivre. Les activités liées à la production d'énergie renouvelable et à l'économie circulaire peuvent, selon le Rapport, fonctionner à faible échelle, ouvrant des opportunités commerciales aux petites entreprises et dans les zones rurales, contribuant à diversifier les structures de production économique et réduire la dépendance de nombreux pays à l'égard de la production d'une gamme étroite de produits primaires. Cela pourrait, à son tour, élargir l'assiette fiscale et favoriser la mobilisation des ressources intérieures comme source de financement du développement.
Toutefois, la mobilisation des ressources intérieures devra être renforcée, notamment par des banques centrales plus actives, des banques publiques spécialisées et des politiques fiscales stratégiques.
Compte tenu de la nature systémique des défis de l'adaptation et de la nécessité de garantir des résultats plus équitables, l'État développementaliste doit devenir un régulateur et un coordinateur du financement vert privé et aller bien au-delà d'un simple véhicule d'atténuation du risque.
Les banques centrales du monde entier ayant été en mesure d'aider directement les gouvernements pendant la pandémie de COVID-19, le rapport examine comment la période de redressement post-pandémique pourrait être l'occasion de suivre cette même voie pour soutenir les investissements liés au climat.
Néanmoins, l'ampleur des besoins d'adaptation et le fait que ceux qui souffrent le plus sont les moins responsables de la cause du problème et les moins à même de payer pour cela, signifient que les économies avancées devront augmenter leurs engagements pour le financement de l'adaptation (voir le UNCTAD/PRESS/PR/2021/038).
Une approche de l'adaptation au climat axée sur le développement
Sortir du cercle vicieux écologique et développementaliste implique que le défi de l'adaptation au climat dans le monde en développement doit être abordé dans une perspective de développement, incluant les éléments clés suivants :
- Abandonner l'austérité comme cadre politique par défaut pour gérer la demande globale, et passer à des politiques favorables à l'investissement.
- Des investissements publics à grande échelle dans la construction d'une économie diversifiée à faible émission de carbone, alimentée par des sources d'énergie renouvelables et des technologies vertes, et où les activités économiques au sein des secteurs et entre eux sont interconnectées par des liens efficaces en termes de ressources.
- L'adoption d'une politique industrielle verte qui identifie de manière proactive les domaines où se trouvent les contraintes les plus importantes en matière d'investissement dans l'adaptation au climat, qui canalise les investissements publics et privés vers ces activités et qui vérifie si ces investissements sont gérés de manière à maintenir des emplois décents et à accroître la sécurité climatique et la productivité à long terme.
- L'adoption d'une politique agricole verte, qui protège les petits producteurs, fournit des liens en amont et en aval vers l'industrialisation verte, protège l'environnement et renforce la sécurité alimentaire en augmentant la productivité agricole et la sécurité des revenus.
- Utiliser la production d'énergie renouvelable et l'économie circulaire pour diversifier et réduire la dépendance à l'égard du commerce des matières premières. La production d'énergie renouvelable peut fonctionner économiquement à petite échelle, ouvrant ainsi des opportunités commerciales aux petites entreprises et dans les zones rurales.
La première partie du Rapport sur le commerce et le développement 2021 a été publiée en septembre.
La CNUCED aide les pays en développement à bénéficier plus équitablement et plus efficacement aux avantages d'une économie mondialisée et leur donne les moyens de faire face aux inconvénients potentiels d'une plus grande intégration économique.
Elle fournit des analyses, facilite la formation de consensus et offre une assistance technique. Elle aide ainsi les pays à utiliser le commerce, l'investissement, le financement et la technologie comme vecteurs d'un développement inclusif et durable.