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Une action est nécessaire au niveau mondial afin que les retombées de l’économie numérique profitent au plus grand nombre


Communiqué de presse
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UNCTAD/PRESS/PR/2019/023
Une action est nécessaire au niveau mondial afin que les retombées de l’économie numérique profitent au plus grand nombre

Geneva, Suisse, 4 septembre 2019

La richesse numérique est concentrée dans les mains d’un petit nombre de plateformes implantées aux États-Unis et en Chine

Si rien n’est fait, le fossé qui sépare les pays sous-connectés des pays hypernumérisés se creusera et aggravera les inégalités


Une action concertée doit être menée au niveau mondial pour étendre les retombées de l’économie numérique aux nombreuses personnes qui ne profitent guère à l’heure actuelle de son expansion rapide, selon un nouveau rapport de l’ONU.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a publié en 2019 la toute première livraison du Rapport sur l’économie numérique, dans lequel est dressé un panorama des flux, des données et des ressources de l’économie numérique mondiale. À l’heure où toujours plus d’acteurs à travers le monde passent au numérique, se connectent à Internet et achètent en ligne, elle met en lumière les retombées potentiellement gigantesques de l’économie numérique, ainsi que les coûts de développement qui pourraient y être associés.

La création de richesses dans l’économie numérique est fortement concentrée aux États-Unis et en Chine, tandis que le reste du monde, en particulier les pays d’Afrique et d’Amérique latine, accuse un retard considérable.

Les États-Unis et la Chine cumulent 75 % des brevets relatifs à la technologie de la chaîne de blocs, 50 % des dépenses consacrées à l’Internet des objets, plus de 75 % des parts du marché des services informatiques en nuage et pas moins de 90 % de la capitalisation boursière des 70 premières plateformes numériques au monde (fig. 1).

Si les politiques et les réglementations actuelles sont maintenues, cette tendance va vraisemblablement se poursuivre et contribuer à l’accroissement des inégalités, a averti le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres.

« Plus de la moitié de la population mondiale n’a pas ou guère accès à Internet, et nous devons nous efforcer de résorber cette fracture numérique. L’inclusion est essentielle au développement d’une économie numérique qui profite à tous », indique M. Guterres dans le rapport.

Le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi, estime pour sa part qu’il nous faut répondre à la volonté qu’ont les populations des pays en développement de faire partie intégrante de ce nouveau monde numérique, pas seulement comme utilisateurs et consommateurs, mais aussi en tant que producteurs, exportateurs et innovateurs, pour créer et capter davantage de valeur dans leur recherche d’un développement durable.

Le rapport s’intéresse particulièrement aux données et aux plateformes numériques, les deux principaux moteurs de la création de valeur dans l’économie numérique.

Des flux de données en plein essor

Le trafic mondial sur protocole Internet (IP), qui est un indicateur des flux de données, a connu une croissance spectaculaire. En 1992, il s’élevait à environ 100 giga‑octets (Go) par jour. En 2017, il s’était envolé à plus de 45 000 Go par seconde (fig. 2).

Et encore, l’économie fondée sur les données n’en est qu’à ses débuts. Selon les prévisions, le trafic mondial sur IP atteindra 150 700 Go par seconde en 2022.

L’explosion des flux de données s’explique par l’augmentation pure et simple du nombre de personnes connectées à Internet, ainsi que par l’adoption de technologies de pointe, telles que la chaîne de blocs, l’analyse des données, l’intelligence artificielle, l’impression 3D, l’Internet des objets, l’automatisation, la robotique et l’informatique en nuage.

D’après le rapport, une « chaîne de valeur des données » entièrement nouvelle a vu le jour et regroupe des entreprises qui se consacrent à la collecte de données, à la production d’informations à partir de données, au stockage des données, à l’analyse et à la modélisation.

Les plateformes ont une longueur d’avance

Les entreprises bâties sur le modèle de la plateforme numérique disposent d’un avantage considérable dans l’économie fondée sur les données. En jouant à la fois les rôles d’intermédiaire et d’infrastructure, elles sont en mesure d’enregistrer et d’extraire les données relatives aux activités, aux interactions et aux transactions en ligne des utilisateurs.

Il est souligné dans le rapport que 40 % des 20 premières entreprises au monde, en termes de capitalisation boursière, reposent sur le modèle commercial de la plateforme.

Sept « superplateformes », à savoir Microsoft, puis Apple, Amazon, Google, Facebook, Tencent et Alibaba, représentent deux tiers de la capitalisation boursière des 70 premières plateformes.

La valeur globale des plateformes numériques dont la capitalisation boursière était supérieure à 100 millions de dollars a dépassé 7 000 milliards de dollars en 2017, progressant de 67 % par rapport à 2015.

Certaines plateformes ont acquis une position dominante sur des créneaux clefs. Google détient environ 90 % du marché des recherches sur Internet, tandis que Facebook représente les deux tiers du marché mondial des médias sociaux et se classe en tête des réseaux sociaux dans plus de 90 % des pays du monde.

En Chine, WeChat (propriété de la société Tencent) compte plus d’un milliard d’utilisateurs actifs. Avec leurs solutions de paiement, WeChat et Alibaba (application Alipay) ont quasiment conquis tout le marché chinois des paiements mobiles. Parallèlement, on estime qu’Alibaba détient près de 60 % du marché chinois du commerce électronique.

Ces entreprises assoient leur position concurrentielle au moyen de stratégies agressives, notamment en prenant le contrôle de leurs concurrents potentiels et en étendant leur offre à des produits ou services complémentaires. Ils peuvent aussi faire pression auprès des cercles de décision nationaux et internationaux et établir des partenariats stratégiques avec des entreprises multinationales des secteurs traditionnels, y compris des secteurs de l’automobile, des semi-conducteurs et du commerce de détail.

Les pays en développement risquent de rester des pourvoyeurs de données brutes

La domination des plateformes numériques mondiales, le contrôle que celles-ci exercent sur les données, et leur capacité de création et de captation de valeur ont pour conséquence de renforcer la concentration et la consolidation, et non de réduire les inégalités entre les pays et à l’intérieur des pays.

Les pays en développement risquent de devenir de simples pourvoyeurs de données brutes et de devoir payer pour accéder à l’intelligence numérique produite à partir de leurs données.

Si rien n’est fait, le fossé béant entre les pays sous-connectés et les pays hypernumérisés se creusera et les inégalités s’accentueront.

Il faudra faire preuve d’inventivité pour briser ce cercle vicieux, ainsi qu’il est dit dans le rapport. L’une des solutions envisageables consiste à configurer différemment l’économie numérique afin qu’elle aboutisse à des résultats plus équilibrés et à une répartition plus juste des gains issus des données et de l’intelligence numérique.

Politiques, partenariats et protection : le rôle des pouvoirs publics

Selon le rapport, les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer pour cadrer l’économie numérique en définissant les règles du jeu. Pour ce faire, ils devront adapter les politiques, lois et réglementations existantes, et en adopter de nouvelles dans de nombreux domaines.

« Il faut faire une utilisation intelligente des nouvelles technologies, consolider les partenariats et renforcer le leadership intellectuel pour redéfinir les stratégies de développement numérique et les contours à venir de la mondialisation », a déclaré M. Kituyi.

Les mesures adoptées doivent tenir compte des plus grandes difficultés à faire respecter les lois et réglementations nationales dans le cadre du commerce international des produits et des services numériques.

En outre, ces mesures devraient envisager de nouveaux moyens de créer et de capter de la valeur au niveau local, et mettre la numérisation au service de la transformation structurelle.

Les pays devraient aussi s’employer, dans le cadre de leurs stratégies de développement, à faciliter leur progression dans les chaînes de valeur des données (valeur ajoutée) et à renforcer leurs capacités d’« affiner » les données.

La numérisation fait sentir ses effets de différentes manières dans différents pays. Les pouvoirs publics ont besoin d’une marge d’action pour réguler l’économie numérique afin de poursuivre divers objectifs légitimes de politique publique.

Agir au niveau mondial

En même temps, plusieurs des problèmes liés à la création et à la captation de valeur dans l’économie numérique ne peuvent être traités efficacement que par des politiques régionales ou internationales, avec la pleine participation des pays en développement, dans des domaines comme la concurrence, la fiscalité, les échanges internationaux de données, la propriété intellectuelle, le commerce et l’emploi.

Pour assurer un avenir numérique au plus grand nombre, et pas seulement à quelques privilégiés, les politiques nationales et internationales ne doivent pas se limiter à accroître le nombre d’internautes et de consommateurs en ligne dans les pays en développement. Elles doivent aussi favoriser le renforcement des capacités nationales de création et de captation de valeur.

Dans ce contexte, les acteurs du développement doivent trouver des moyens d’aider de façon plus intégrée les pays qui sont à la traîne de l’économie numérique.

Il est recommandé qu’une plus grande partie de l’aide serve à réduire les disparités numériques, à asseoir des conditions propices à la création de valeur et à renforcer les capacités des secteurs privé et public.

En outre, les mesures adoptées devraient viser à instaurer une plus grande confiance en contribuant à l’adoption et à l’application de lois et de règlements en faveur de la création et de la captation de valeur dans l’économie numérique fondée sur les données.

Figure 1 : Répartition géographique des principales plateformes mondiales, 2018

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Source : Holger Schmidt (https://www.netzoekonom.de/vortraege/#tab-id-1).

Figure 2 : Évolution du trafic Internet mondial au fil des ans (giga-octets par seconde)

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Source : CNUCED, d’après des données de Cisco.