Une nouvelle plateforme conçue par la CNUCED permet aux employés du gouvernement de créer en ligne leurs propres services adaptés aux besoins des citoyens.
Des procédures administratives fastidieuses ne sont pas seulement pénibles pour les citoyens : elles le sont souvent aussi pour les fonctionnaires qui les administrent. Rester assis derrière son bureau à tamponner des formulaires n'est pas un travail très enthousiasmant.
C'est là que la technologie peut faire la différence. En 2021, en pleine pandémie de COVID-19, le gouvernement bhoutanais a lancé le portail gouvernemental numérique G2B (Government to Business), en utilisant une plateforme numérique personnalisable imaginée par la CNUCED.
Cette plate-forme unique et révolutionnaire a déjà valu au Bhoutan d'être reconnu comme le pays le plus rapide au monde pour créer une entreprise.
Les entrepreneurs remplissent simplement un formulaire sur leur téléphone portable et reçoivent gratuitement tous les documents d'enregistrement, en moins d'une minute. En 2022, 5 500 Bhoutanais (dont 52 % de femmes), soit près de 1 % de la population, ont utilisé ce service pour enregistrer une entreprise.
C'est également un tournant pour l'administration du Bhoutan et pour le monde du gouvernement numérique en général.
Le service d'enregistrement des entreprises le plus rapide au monde n'a pas été conçu par des consultants en Inde ou en Californie, mais par les fonctionnaires eux-mêmes, les mêmes qui auparavant géraient des formalités fastidieuses, exclusivement sur papier, et qui obligeaient souvent les citoyens à faire la queue d'un bureau à l'autre. Comment cela est-il arrivé?
Savoir faire simple
La clé est la simplicité de la plateforme de gouvernement électronique développée par la CNUCED : après une formation de base, les fonctionnaires du Bhoutan ont pu personnaliser eux-mêmes pour créer des services en ligne. Ces services couvrent désormais des domaines divers et variés, parmi lesquels les permis pour exploiter des services de bus, les autorisations pour faire voler des drones ou l'accès à un bail dans un parc industriel.
Au cours des deux prochaines années, le gouvernement prévoit d'inclure sur la plateforme tous les permis, autorisations et procédures liés à l'économie du pays. Avec le temps, elle pourrait s'étendre à tous les autres départements administratifs.
"L'objectif de notre technologie est de réduire les frictions", explique Frank Grozel, qui dirige le programme de gouvernement électronique de la CNUCED. "Tout le monde gagne à avoir une technologie efficace et simple à portée de main. Mais c'est particulièrement important pour les fonctionnaires, car cela leur permet de se concentrer sur la raison pour laquelle ils font leur travail et pas nécessairement sur la manière dont ils le font."
Des services de meilleure qualité
Chaque service est construit à partir de zéro. Les équipes de terrain, y compris les fonctionnaires travaillant sur la procédure, les développeurs et les formateurs se réunissent pour simplifier les procédures existantes et identifient des raccourcis qui permettent d'améliorer et d'accélérer la façon dont les services sont proposés aux usagers.
Les fonctionnaires en particulier sont formés pour comprendre le processus du point de vue de l'utilisateur, ce qui suscite de l'empathie et permet de comprendre où se trouvent les goulots d'étranglement et les frustrations.
"Des équipes entières ont commencé à voir comment le système pouvait être modifié, et pourquoi certains éléments du processus initial pouvaient être si pénibles pour l'utilisateur final", a déclaré Bita Mortazavi, chef de projet de la CNUCED au Bhoutan.
L'impact sur les personnels a été décisif. "Nous pouvons maintenant nous concentrer sur le développement des services et sélectionner des services simples, ayant un impact important, pour changer des procédures entières", a déclaré Sonam Lhamo, chef de projet au ministère des affaires économiques du Bhoutan.
Tshering Dorji, ingénieur informatique, reconnaît que cela a changé sa perspective dans le développement de logiciels. "Mon imagination s'est beaucoup améliorée. J'ai appris à simplifier sans coder", a-t-il déclaré.
Un autre développeur, Pema Gyalpo, a été agréablement surpris. "Nous pouvons toujours simplifier davantage, même des choses qui nous semblaient simples", a-t-il déclaré. "L'enjeu de la construction de ce nouveau système est la façon dont nous allons travailler à l'avenir. Tout sera plus facile. Et j'ai le privilège de réfléchir à des solutions qui serviront d'autres pays."
Innover d’abord, réguler ensuite
La majorité des entreprises bhoutanaises sont de petite taille. Environ 95 % d'entre elles sont des entreprises artisanales. Cette réalité a poussé le gouvernement à chercher des moyens d'aider les micro-entreprises de ce pays très montagneux à réussir de la façon la plus rapide et la plus simple possible.
"Notre approche consiste à innover d'abord, à réglementer ensuite, de manière à réduire les barrières à l'entrée pour les nouvelles entreprises, à soutenir l'innovation et à permettre à la créativité de s'épanouir", a déclaré le ministre des affaires économiques du Bhoutan, Tengye Lyonpo.
Cette philosophie a donné des résultats : les approches non conventionnelles adoptées par le gouvernement ont eu un impact pour le pays et ses citoyens de manière inédite.
Si le Bhoutan a été l'un des pionniers de l'approche "do-it-yourself" en matière d'administration électronique, grâce au soutien financier du Royaume des Pays-Bas, d'autres pays devraient suivre. La Colombie, l'Estonie, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Soudan, le Togo et la Tunisie rejoindront le club cette année.
D'autres pays travaillent déjà avec la plateforme de la CNUCED, parmi lesquels l'Argentine, le Bénin, le Burundi, le Cameroun, le Salvador, l'Irak, le Lesotho et le Mali.
Des fonctionnaires du gouvernement bhoutanais qui ont appris à simplifier leur processus d'enregistrement en ligne pour les entrepreneurs, en utilisant la plateforme personnalisable de la CNUCED.