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CNUCED : Pour une reprise plus forte, il faut améliorer les capacités productives des pays les plus pauvres

03 décembre 2020

La crise économique liée à la COVID-19 devrait réduire à néant des années de progrès laborieux en matière d'éducation et de nutrition, et replonger 32 millions de personnes dans l'extrême pauvreté.

Les efforts déployés pour reconstruire les économies des pays les plus pauvres après la pandémie seront très insuffisants si leurs capacités productives ne sont pas considérablement améliorées. C’est le principal message du Rapport 2020 sur les pays les moins avancés, publié par la CNUCED.

Les pays les moins avancés (PMA) dont les capacités productives sont les plus développées s’avèrent les mieux à même de lutter contre les effets de la pandémie.

Par capacités productives on entend les ressources productives, les capacités entrepreneuriales et les liens de production qui, ensemble, déterminent la capacité d'un pays à produire des biens et des services, et lui permettent de croître et de se développer.

"La pandémie nous a brutalement rappelé l'urgence de développer les capacités productives dans les PMA pour leur permettre de réaliser leur transformation structurelle, réduire leur exposition aux chocs extérieurs et renforcer leur résilience", a déclaré le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi.

Et d’ajouter : «Le développement des capacités productives dans la plupart des PMA a été trop lent pour leur permettre de surmonter les principaux défis de développement et les chocs tels que ceux engendrés par la COVID-19».

L'Indice des capacités productives (ICP) de la CNUCED montre que la majorité des PMA sont faiblement dotés en capacités productives : leur niveau moyen d'ICP était de 40 % inférieur à celui des autres pays en développement (non PMA) entre 2011 et 2018.

La pire performance économique depuis 30 ans

Le rapport indique que la pandémie de COVID-19 a frappé très durement les PMA car, collectivement, ce sont les économies les plus vulnérables du monde. Cette situation est aggravée par leur très faible niveau de résilience. Ils disposent des moyens financiers et institutionnels les plus faibles pour réagir aux chocs externes tels que la pandémie en cours. 

On estime à 1,06 milliard le nombre de personnes vivant dans les 47 PMA. Malgré cet important poids démographique, les PMA représentent moins de 1,3 % du PIB mondial. En 2019, le PIB moyen par habitant dans les PMA n'était que de 1 088 dollars, contre une moyenne mondiale de 11 371 dollars.

Le rapport estime qu'en 2020, la pandémie poussera les PMA vers leur pire performance économique depuis 30 ans, avec une baisse des niveaux de revenus, des pertes d'emplois généralisées et un creusement des déficits budgétaires.

La crise annulera des années de progrès laborieux réalisés par les PMA dans des domaines sociaux tels que la réduction de la pauvreté, la nutrition et l'éducation, avertit le rapport.

Le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté (c'est-à-dire avec un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour) dans les PMA pourrait augmenter de 32 millions en 2020, faisant passer le taux de pauvreté de 32,5 % à 35,7 % et limitant les chances qu’ont ces pays d'atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Plus de 50 % des personnes frappées d'extrême pauvreté dans le monde vivent dans un des PMA.

Comment renforcer les capacités productives dans les PMA

"Des politiques audacieuses visant à renforcer les capacités productives des PMA devraient constituer un pilier essentiel de toute reprise post-pandémie et de leur stratégie de développement à long terme", a déclaré Paul Akiwumi, directeur de la CNUCED pour l'Afrique et les pays les moins avancés.

Ces politiques devraient aller au-delà de la simple protection des populations des PMA contre les effets de la pandémie. "Elles devraient stimuler l'investissement pour combler les lacunes de longue date en matière d'infrastructures et soutenir la création d'emplois", a ajouté M. Akiwumi.

Le rapport indique que les pays qui ont réduit leur niveau de vulnérabilité économique ont amélioré leurs indicateurs de commerce ou de production, qui sont tous deux le résultat de meilleures capacités de production. Ils contribuent par ailleurs à stimuler un processus de transformation structurelle.

La transformation structurelle est le processus par lequel les ressources productives d'un pays, telles que les ressources naturelles, la terre, le capital, le travail et le savoir-faire, passent d'activités économiques à faible productivité à des activités à forte productivité.

Certains PMA asiatiques tels que le Bangladesh, le Cambodge, le Laos, le Myanmar et le Népal ont fait de plus grands progrès. Ils ont tous connu une croissance industrielle et ont développé des secteurs de services modernes, ce qui a entraîné de fortes hausses de la productivité du travail.

En revanche, la transformation structurelle a été plus lente en Afrique, dans les PMA insulaires et en Haïti, où l'agriculture et les secteurs de services traditionnels génèrent la plupart des emplois et de la production, et où les faibles niveaux de productivité et de croissance de la productivité continuent de limiter le niveau de vie. 

La révolution numérique au service des capacités productives

La révolution numérique a fait naître l'espoir de voir les PMA faire un bond en avant, en adoptant des systèmes modernes sans passer par des étapes intermédiaires. Pourtant, les entreprises de ces pays sont gravement désavantagées.

La transformation numérique exige des capacités technologiques dont l'acquisition, difficile et coûteuse, prend du temps. Elle provient de l’accumulation d’expériences de production acquises lors des précédentes révolutions industrielles, dont la plupart des PMA n’ont pas bénéficié, indique le rapport.

Dans les PMA, l'adoption de technologies de pointe est encore embryonnaire et reste entravée par des facteurs tels que le manque d'infrastructures et la pénurie de compétences.

Les décideurs politiques doivent s’atteler à transformer les prévisions sur les impacts positifs des technologies de pointe pour les PMA en stratégies de résolution de problèmes pour promouvoir l'innovation au niveau des entreprises.

Mais les PMA ne peuvent tirer parti de la révolution numérique dans la sphère productive que s'ils mettent en place des politiques industrielles qui renforcent et développent les capacités technologiques dans tous les secteurs, indique le rapport.

L'initiative Kayoola Bus est un bon exemple de politique industrielle prometteuse. Lancée par le gouvernement ougandais, elle a permis de mettre en place une production nationale d'autobus alimentés principalement par des énergies renouvelables permettant de s'attaquer aux problèmes environnementaux et sanitaires de la pollution atmosphérique liée aux transports.

Ne pas laisser les PMA à la traîne

Le rapport appelle la communauté internationale à soutenir les efforts des PMA avec des ressources financières adéquates, en leur accordant une marge de manœuvre suffisante qui leur permette de concevoir et de mettre en œuvre leurs propres choix politiques. La communauté internationale doit aussi adopter des mesures de soutien international plus efficaces, notamment en matière de transfert de technologies.

La CNUCED estime que les PMA constituent l’ultime test pour atteindre les ODD : pour qu'ils soient atteints au niveau mondial, ils devront l’être dans ces pays-là, qui sont les plus éloignés de la réalisation de ces objectifs.

Le soutien international aux PMA s'est avéré le plus souvent inefficace pour les aider à réaliser la transformation structurelle et atteindre les objectifs de développement. Le rapport souligne la nécessité de nouvelles formes de soutien international aux PMA, qui permettent de relever, entre autres, les défis liés à l’aggravation du fossé technologique.

Ces pays ont eu du mal à maintenir leur dynamique de croissance tout au long de la mise en œuvre du Programme d'action d'Istanbul (PAI) en faveur des PMA de 2011 à ce jour.

Ce Programme visait à doubler la part des PMA dans le commerce mondial, un objectif réitéré dans les ODD. Toutefois, celui-ci reste hors d’atteinte, précisément parce que les progrès des PMA en matière de renforcement des capacités productives ont été insuffisants.