Le rapport examine comment les économies africaines peuvent renforcer leur résilience face aux risques commerciaux engendrés par des chocs interconnectés aux niveaux politique, économique, énergétique, technologique et climatique.
Les crises mondiales en cascade, comme la COVID-19 et la guerre en Ukraine, ont durement frappé les économies africaines. La dépendance aux marchés étrangers, la volatilité des exportations de matières premières, l'endettement élevé et l'insuffisance des infrastructures ont accentué les vulnérabilités du continent.
Grâce à un nouveau cadre d'analyse, le rapport évalue les vulnérabilités du continent dans six domaines : économie, gouvernance, connectivité, société, énergie et climat. L’analyse souligne l'urgence de diversifier les économies, d'intégrer des chaînes d'approvisionnement à forte valeur ajoutée et d'améliorer l'environnement des affaires, notamment pour les petites et moyennes entreprises.
Le rapport appelle à un renforcement du commerce intra-africain, à des investissements stratégiques dans les infrastructures de transport et de technologie, à des réformes économiques audacieuses et à une meilleure utilisation des instruments financiers innovants.
Il propose une feuille de route pour réduire la dépendance aux marchés extérieurs, élargir et renforcer les réseaux commerciaux régionaux et tirer parti de la population croissante du continent, de ses ressources abondantes et de ses marchés en expansion pour exploiter pleinement le potentiel de 3 400 milliards de dollars de la Zone de libre-échange continentale africaine.

Examiner l’exposition aux chocs et
la dynamique de vulnérabilités en Afrique
Les crises interconnectées, telles que les conflits géopolitiques, la pandémie et les chocs des prix des matières premières, ont perturbé les chaînes d'approvisionnement, augmenté les coûts commerciaux et freiné les investissements, aggravant les faiblesses structurelles et les vulnérabilités de l'Afrique.
Le rapport utilise un nouveau cadre multidimensionnel pour analyser les vulnérabilités dans six domaines, mettant en lumière la manière dont ces facteurs s'interconnectent et s'amplifient mutuellement.
- Politiques : Coups d'État, défis de gouvernance et affaiblissement des institutions démocratiques
- Économiques : Endettement élevé, déséquilibres commerciaux et inflation
- Démographiques : Croissance rapide de la population et pressions migratoires
- Énergétiques : Dépendance aux combustibles fossiles et infrastructures renouvelables limitées
- Technologiques : Fractures numériques et préparation insuffisante aux innovations perturbatrices
- Climatiques : Phénomènes météorologiques extrêmes et dépendance à une agriculture sensible au climat
Par exemple, l'instabilité de la gouvernance aggrave les conditions économiques et décourage l'investissement. Depuis 1950, l'Afrique a connu 220 des 492 tentatives de coup d'État recensées dans le monde.
Les vulnérabilités économiques, telles que l’endettement élevé, compromettent encore davantage la stabilité. En 2023, près de la moitié des pays africains avaient un ratio dette/PIB supérieur à 60 %, beaucoup d'entre eux consacrant une part plus importante de leurs revenus au paiement des intérêts de la dette qu'à l'éducation ou à la santé.
Les insuffisances en matière d’infrastructures de transport, d'énergie et des technologies de l'information et de la communication (TIC) augmentent les coûts commerciaux de 50 % au-dessus de la moyenne mondiale, réduisant ainsi la compétitivité.
L'insécurité énergétique accentue les risques. Moins de la moitié des Africains ont accès à une électricité fiable. Combler le déficit énergétique du continent nécessitera des investissements de 190 milliards de dollars par an, soit environ 6 % du PIB.
Les risques climatiques, notamment en agriculture – source de subsistance pour des millions de personnes – accentuent encore les vulnérabilités. En 2022, les aléas climatiques ont touché plus de 110 millions d'Africains et causé environ 8,5 milliards de dollars de dommages.
Le rapport appelle à une diversification des exportations, à une gestion prudente de la dette et à des investissements ciblés dans les infrastructures pour stimuler la croissance et protéger les économies contre les chocs futurs.
Mesures clés pour réduire les vulnérabilités de l'Afrique
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1Diversifier les économies afin de réduire la dépendance aux marchés de matières premières volatils
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2Renforcer les réseaux commerciaux intra-africains pour diminuer la dépendance aux marchés mondiaux
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3Adopter des politiques budgétaires saines pour réduire l'endettement et améliorer l'accès au financement
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4Moderniser les infrastructures afin de réduire les coûts commerciaux et d'améliorer la production et la logistique
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5Investir dans les énergies renouvelables pour renforcer la sécurité énergétique
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6Promouvoir des politiques économiques et commerciales adaptées au climat pour réduire les risques et soutenir une croissance durable
Commercer et investir en Afrique :
les vulnérabilités économiques à surveillerteralism
Entre 2002 et 2023, l'Afrique a connu une forte croissance économique, renforçant son attractivité pour le commerce et l'investissement.
De 2000 à 2010, l'économie du continent a progressé en moyenne de 4,8 % par an, dépassant la moyenne mondiale de 3,1 %. La croissance africaine a ralenti à 3,1 % entre 2011 et 2020, tout en restant supérieure à la moyenne mondiale de 2,4 %.
Cependant, cette croissance était étroitement liée aux booms des prix des matières premières. Plus de la moitié des nations africaines dépendent du pétrole, du gaz ou des minerais pour au moins 60 % de leurs recettes d'exportation, les exposant ainsi aux fluctuations des marchés mondiaux.
La chute des prix des matières premières en 2014 et la pandémie de COVID-19 ont mis en évidence ces vulnérabilités, impactant fortement les investissements. La formation brute de capital fixe – investissements dans les actifs physiques tels que les infrastructures – est passée de 11,4 % en 2014 à 4,8 % en 2015. La pandémie a entraîné une contraction de 4,1 % en 2020.
Les risques macroéconomiques, tels que les déséquilibres budgétaires, freinent également l'investissement. En 2014, la baisse des prix des matières premières a conduit à un écart moyen de déficit budgétaire – la différence entre les déficits prévus et réels – de 2 % du PIB à travers l'Afrique. En 2020, les dépenses liées à la pandémie et la perte de revenus ont fait grimper ces écarts à 3,4 %, soulignant la pression exercée par les chocs extérieurs sur les finances publiques.
Le rapport appelle à la stabilité macroéconomique et à des réformes budgétaires. Les gouvernements doivent équilibrer les dépenses axées sur la croissance avec une gestion budgétaire rigoureuse, réduire la dépendance aux emprunts extérieurs, diversifier les sources de revenus et renforcer les institutions.
Maximiser la résilience commerciale et
optimiser les avantages des marchés régionaux
Le commerce intra-africain demeure l'une des plus grandes opportunités du continent, mais il ne représente que 16 % de son commerce total.
Plus de 50 % des importations et exportations du continent sont liées à seulement cinq économies, toutes situées en dehors de l'Afrique. Par ailleurs, seuls 16 pays africains s'approvisionnent à hauteur d'au moins 0,5 % en biens intermédiaires à l'échelle régionale, ce qui les prive d'opportunités essentielles en matière de commerce à valeur ajoutée et de fabrication.
À l'intérieur du continent, quelques grandes économies – Kenya, Nigeria et Afrique du Sud – dominent en tant que fournisseurs et consommateurs de biens à valeur ajoutée, rendant les réseaux de production régionaux vulnérables aux perturbations des marchés clés.
Renforcer et diversifier les réseaux commerciaux africains est essentiel pour la résilience, mais les lacunes infrastructurelles – en particulier dans le transport et l'électricité – ainsi que les barrières non tarifaires entravent les chaînes d'approvisionnement régionales.
De plus, le commerce à l'intérieur des blocs régionaux africains – par exemple, la Communauté de l'Afrique de l'Est – est moins coûteux qu'entre eux. Les exigences techniques, l’inefficacité des processus douaniers et d’autres barrières non tarifaires restreignent le commerce africain trois fois plus que les droits de douane.
Malgré ces défis, 61 % des exportations régionales de l'Afrique sont constituées de biens transformés et semi-transformés, mettant en évidence des opportunités de diversification des chaînes d'approvisionnement régionales. La Zone de libre-échange continentale africaine offre une voie pour réduire la dépendance aux marchés mondiaux et renforcer la résilience.
Le rapport recommande de réduire les coûts commerciaux non tarifaires, de simplifier les processus d'importation et d'exportation, d'améliorer les infrastructures et de diversifier les partenaires commerciaux. Un système commercial régional plus intégré renforcerait la résilience de l'Afrique, soutiendrait une croissance durable et améliorerait sa compétitivité mondiale.
Renforcer la résilience des entreprises et
du commerce international en Afrique
L'amélioration de l'environnement des affaires est essentielle pour renforcer la résilience en Afrique. Bien que le continent offre des marchés en expansion et des rendements élevés sur les investissements, les entreprises – en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) – rencontrent des défis considérables.
Les PME génèrent 80 % des emplois en Afrique, mais restent sont particulièrement vulnérables aux chocs économiques.
En 2023, 32 % des entreprises africaines ont cité l'accès limité aux outils financiers comme un obstacle majeur à la croissance. La volatilité des devises accentue encore les difficultés des petites entreprises dépendant des transactions en devises étrangères.
La dépendance énergétique représente un autre défi majeur. Plus de la moitié de l'approvisionnement énergétique de l'Afrique repose sur les combustibles fossiles, exposant les entreprises à la volatilité des marchés de l'énergie et aux risques liés à la transition énergétique mondiale. En 2023, les investissements dans les énergies renouvelables en Afrique se sont élevés à seulement 15 milliards de dollars – soit à peine 2,3 % des investissements mondiaux dans ce secteur.
Cependant, des pays comme le Botswana, Cabo Verde, Maurice, le Maroc et l'Afrique du Sud montrent que la résilience peut être renforcée grâce à des cadres réglementaires plus solides, une meilleure connectivité, une diversification économique accrue et une stabilité politique.
L'adoption en 2023 du Protocole sur l'investissement de la Zone de libre-échange continentale africaine a également ouvert de nouvelles opportunités pour les investissements intra-africains. Cette année-là, les investisseurs africains ont financé 20 % des projets internationaux dans les services et la fabrication et 13 % dans les industries basées sur les ressources.
Pour aider les PME à saisir ces opportunités et d’accélérer la transformation économique, les gouvernements africains doivent renforcer les marchés financiers régionaux et améliorer les cadres réglementaires. Des mesures clés, telles que l'amélioration de l'accès aux instruments de réduction des risques financiers et le renforcement des systèmes de gestion des risques pour les entreprises, permettront de renforcer la résilience et d’accroître la confiance des investisseurs.
Recommandations pour renforcer la résilience et
libérer le potentiel commercial de l'Afrique
L'avenir économique de l'Afrique repose sur la nécessité de réduire les vulnérabilités tout en exploitant les opportunités offertes par l'intégration régionale et la diversification.
L'amélioration des infrastructures, des systèmes financiers et de la gouvernance est essentielle pour renforcer la résilience, accroître le commerce intra-africain et favoriser une croissance durable. L'atteinte de ces objectifs nécessite une collaboration entre les gouvernements, le secteur privé et les partenaires internationaux.
Le rapport présente des recommandations politiques concrètes, réparties en mesures à court, moyen et long terme, pour réduire les vulnérabilités et libérer le potentiel commercial de l'Afrique.
Recommandations à court terme
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1Appliquer une approche axée sur la vulnérabilité : Intégrer les évaluations des vulnérabilités dans la gestion des finances publiques pour surveiller les objectifs budgétaires et l'impact des chocs.
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2Optimiser la politique monétaire : Adapter les exigences en matière de capital et de liquidité pour stabiliser les systèmes financiers et atténuer les risques systémiques.
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3Mettre en place un financement commercial d'urgence : Créer des facilités de financement du commerce et des chaînes d'approvisionnement pour soutenir les entreprises en période de choc de la demande et les réorienter vers les marchés régionaux.
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4Promouvoir l'industrie locale : Utiliser des incitations fiscales et des prêts à faible taux d'intérêt pour stimuler l'industrialisation et la production orientée vers les marchés régionaux.
Recommandations à moyen terme
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1Développer des mécanismes régionaux de gestion des risques : Mettre en place des fonds régionaux et des plans de contingence pour gérer les risques commerciaux et aligner les stratégies nationales sur les objectifs régionaux.
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2Soutenir les instruments financiers : Faciliter l'accès aux produits dérivés et autres outils de gestion des risques par le biais d'unités d'innovation au sein des autorités de régulation.
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3Renforcer la gestion des risques pour les PME : Élaborer des normes adaptées et des lignes directrices pratiques pour accroître la résilience des PME.
Recommandations à long terme
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1Construire une infrastructure des marchés financiers : Créer des plateformes pour les flux de capitaux transfrontaliers, y compris des bourses de produits dérivés et des systèmes de compensation, afin d'améliorer le financement du commerce.
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2Aligner la gestion des risques avec la Zone de libre-échange continentale africaine : Veiller à ce que les pratiques de gestion des risques des entreprises soient conformes à la Zone de libre-échange continentale africaine pour gérer les risques transfrontaliers.
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3Institutionnaliser la gestion régionale des risques : Établir un cadre de gestion des risques à l'échelle du continent grâce à des politiques et des pratiques renforcées.