Ecrit par Isabelle Durant, Secrétaire Générale Adjointe de la CNUCED

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C’est au détour d’une conversation entre la CNUCED et l’Organisation Internationale de la Francophonie qu’est née en 2019 l’idée d’unir nos forces, expertises et réseaux pour développer une approche croisée des questions commerciales, climatiques et numériques. S’en est suivi très rapidement l’élaboration d’un projet pilote de formation conjointe des négociateurs dans ces trois disciplines. Car c’est un fait, elles sont négociées de manière très cloisonnée.
Commerce, climat et numérique restent cloisonnées
Il est en effet sidérant, mais véridique, d'entendre le négociateur des questions climatiques d’un pays donné avouer ne rien connaître des négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce et vice-versa. De même tel spécialiste gouvernemental des questions commerciales peut tout ignorer du processus qui a permis de conclure l'Accord de Paris. Nous pouvons pourtant facilement imaginer ce qu'une connaissance élargie apporterait à l'ensemble de ces dossiers, tous aussi complexes que cruciaux.
Deuxième atelier de formation des négociateurs
L’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH), l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), le Centre de Politique de Sécurité, Genève (GCSP), le Laboratoire des Objectifs de développement durables et la Geneva Internet Platform nous ont rejoint avec enthousiasme. Chaque organisation prend en charge un atelier du programme de formation tout en contribuant à son organisation.
Une première édition s’est tenue au Palais des Nations en novembre 2019. Elle a rencontré un tel succès auprès des participants de sept pays francophones (Bénin, Côte d’Ivoire, Mali, Maroc, République centrafricaine, République démocratique du Congo) et des intervenants du système multilatéral que la nécessité d’une deuxième édition s’est imposée à tous. Cette nouvelle édition est virtuelle pour répondre aux exigences de protection des personnes en lien avec la pandémie de COVID-19.
Elle rassemble cette fois 43 participants de 12 pays, dont 11 parmi les moins avancés (Benin, Burkina Faso, Cambodge, Centrafrique, République Démocratique du Congo, Laos, Madagascar, Mali, Rwanda, Sénégal et Togo, aux côtés de la Tunisie) et a débuté ses travaux ce lundi 16 novembre.
Trois domaines-clefs de la relance post COVID-19
Commerce, climat et numérique sont incontestablement trois déterminants-clés du développement socio-économique en général et de ce qu’il est convenu d’appeler la relance post-COVID dans la nouvelle normalité que nous impose cette pandémie.
Le commerce a été, est encore et sera l’un des instruments permettant aux économies en développement de se déployer et de tirer profit de la globalisation, mais à certaines conditions. Force est de constater en effet que cette globalisation n’a pas tenu toutes ses promesses ni bénéficié de manière équitable à tous les pays, à tous les secteurs, ni à tous les acteurs des chaînes de valeur mondiales.
Le changement climatique est aujourd’hui, enfin, une haute priorité de l’agenda international en raison de ses conséquences dévastatrices concrètes et visibles, non seulement sur la biodiversité et l’environnement, mais sur les populations, leur survie, leur sécurité alimentaire, leur santé et leur avenir.
L’élévation du niveau des mers et leur acidification, la fonte des glaciers, la perte de biodiversité, la dépendance aux énergies fossiles et la promotion des énergies renouvelables, la pollution par les déchets plastiques sont autant de problèmes auxquels il faut s’attaquer urgemment et radicalement. Pour ce faire, il faut transformer nos façons de produire, de commercer et de consommer.
Attention à la fracture numérique
Quant aux développements numériques, ils sont omniprésents et façonnent notre présent, nos habitudes de vie, nos manières de communiquer et de commercer à distance. Cette numérisation dont les bénéfices économiques basés sur la gratuité des données ne bénéficient qu’à quelques mega-plateformes, opère déjà très inégalement. Et nous n’en sommes qu’au début de cette digitalisation de l’économie mondiale. Il est légitime pour nos organisations de s’inquiéter de son développement futur et d’en prévenir un développement encore plus inégalitaire. Qui plus est en cette période de pandémie sanitaire qui a vu l’activité et le commerce en ligne faire un bond gigantesque.
Négocier sur le plan multilatéral de façon cloisonnée est totalement contreproductif au regard de l’hyperdépendance entre ces différents domaines, dépendance que la pandémie a douloureusement révélée en exacerbant des tendances préexistantes.
Une approche plus systémique et intégrée de ces trois domaines doit être développée par les administrations et les négociateurs, grâce à leur capacité à comprendre et intégrer les contraintes et objectifs des négociations en cours dans les autres domaines que le leur. C’est aussi la condition d’une transition écologique et économique qui serve un développement plus équitable, plus juste, et plus inclusif.