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Africa, Caribbean and Pacific Group of States Geneva ambassadors and technical experts brainstorming meeting on World Trade Organization issues

Statement by Isabelle Durant, Acting Secretary-General of UNCTAD

Africa, Caribbean and Pacific Group of States Geneva ambassadors and technical experts brainstorming meeting on World Trade Organization issues

Online
08 March 2021

High-level panel, "On the road to post-Covid-19: Outcomes for the ACP from the multilateral trading system"

Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre part à vos réflexions sur un monde post-pandémique et sur ce que les ACP pourraient ou devraient attendre du système commercial multilatéral.

Durant ces deux jours, vous aborderez un large éventail de questions. J'utiliserai mes 7 minutes pour me concentrer sur 3 aspects et je commencerai par les faits.

Faits

Il y a plus de cinq décennies, en 1964, les pays se sont réunis pour remédier aux déséquilibres du commerce mondial et améliorer la situation des pays en développement. À l'époque, il s'agissait de la plus grande conférence internationale jamais organisée, décrite par certains commentateurs comme "le théâtre d'un marchandage mondial entre pays riches et pays pauvres" C'était la CNUCED I.

À l'époque, les ACP représentaient 5,3 % du commerce international. Aujourd'hui, cette part n'est plus que de 2 %.

La part de vos membres africains a diminué de 58 %, celle de vos membres des Caraïbes de 85 % et celle de vos membres du Pacifique de 11 %.

En 1995, une grande réalisation du système multilatéral a vu le jour : L'Organisation mondiale du commerce afin de sortir de la domination des grandes puissances économiques qui avait prévalu jusque-là dans les enceintes en charge du commerce international. Pourtant, nous n'avons – et c’est un nous collectif - pas été en mesure de soutenir les nations les plus pauvres comme nous l'aurions espéré.

Prenons le cas des pays les moins avancés. Il y a dix ans, la communauté internationale a accepté d'aider les PMA à doubler leur part du commerce mondial d'ici 2020. Aujourd'hui, leur part est presque la même qu'il y a dix ans, soit environ 1 %.

C'est l'un des premiers ODD (17.11) pour lequel nous avons manqué la date limite. Et soyons francs, nous ne pouvons pas blâmer le coronavirus. Nous avons vu il y a quelque temps que cet objectif ne serait pas atteint.

Le commerce international s'est pourtant développé massivement au cours des dernières décennies. Mais cela ne s'est pas traduit par la transformation structurelle de vos économies, ni par une plus grande participation de votre groupe au commerce mondial.

Permettez-moi de le dire autrement : le gâteau a grossi, mais votre part a diminué.

Après toutes ces années d'efforts dans différentes enceintes, GATT, CNUCED, OMC, quelque chose n'a pas fonctionné comme nous l'avions prévu.

Quelque chose doit donc changer.

Traitement spécial et différencié

Cela m'amène à mon deuxième point, celui du traitement spécial et différencié.

Ce sujet a été controversé, mais je pense que les Nations unies peuvent faire quelque chose.

Jusqu'à présent, ces dispositions spéciales et différentiées ont été insuffisantes pour assurer une meilleure intégration des pays ACP dans le système commercial mondial.

Il est nécessaire d'affiner la conception et/ou la mise en œuvre du système pour le rendre plus efficace, par exemple en identifiant qui devrait avoir accès ou bénéficier de certaines dispositions.

La classification des pays développés ou en développement est autodéterminée par chaque nation, une modalité que certains contestent, et cela d’autant plus qu’ il existe une grande hétérogénéité au sein de la catégorie des pays en développement. On peut y trouver la plus grande et la plus petite nation commerciale, ou encore des pays à revenu élevé, moyen et faible. 

La catégorisation des pays en fonction du revenu ne permet pas d’évaluer leur exposition aux chocs économiques, environnementaux ou autres. La crise actuelle en est un parfait exemple.

Une alternative serait d'utiliser un indice de vulnérabilité. Cette suggestion a également été avancée par le groupe de personnalités éminentes que la CNUCED a récemment mobilisé, dont S.E. la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley.

Un indice de vulnérabilité pourrait non seulement aider à saisir les différences structurelles entre les pays, mais aussi les risques auxquels ils sont confrontés et le type de soutien dont ils ont besoin.

L'indice pourrait être utilisé sur d'autres fronts également. Actuellement, le fait que de nombreux Petits Etats Insulaires en développement soient des pays à revenu intermédiaire les empêche d'accéder à l'aide financière des institutions internationales, et ce malgré le fait qu'ils soient les plus exposés au changement climatique.

La CNUCED au sein des Nations unies, pourrait utilement développer un tel indice et rechercher une reconnaissance internationale et un usage approprié, notamment par l'intermédiaire de son Comité des politiques de développement. Un Comité qui est amené lui aussi à devoir revoir ses outils de mesures tels l’indice des capacités productives, réalisé tout récemment par la CNUCED.

Trade climate readiness

J'ai déjà fait allusion au plus grand défi qui doit tous nous mobiliser, à savoir le changement climatique.

Les preuves scientifiques sont claires : les pays des tropiques sont les plus exposés aux effets négatifs de ce changement climatique, et ces pays, c'est chez vous.

Nous savons également que l'agriculture, la pêche et le tourisme sont les secteurs les plus touchés. Tous trois sont vitaux pour votre économie. Il faut donc sans attendre adapter les méthodes de production et les infrastructures, identifier et s'adapter aux nouveaux avantages comparatifs et aux nouvelles réalités que le changement climatique peut apporter. Il serait illusoire de penser et encourager la diversification des économies sans avoir cela en tête.

C'est ce que nous appelons « trade climate readiness » et qui fait l'objet de l'un de nos derniers rapports.

L'accord de l'OMC sur l'agriculture est important à cet égard, notamment pour assurer la sécurité alimentaire. Jusqu'à présent, la mise en œuvre de l'accord a coïncidé avec une dépendance croissante à l'égard des importations de denrées alimentaires. Par exemple, entre 2016 et 2018, l'Afrique a importé environ 85 % de ses denrées alimentaires de l'extérieur du continent. Ce n’est pas tenable.

Nous devons parvenir à un équilibre durable entre la production alimentaire nationale et l'importation de denrées alimentaires.

Le commerce agricole évolue rapidement. Nous constatons une utilisation croissante de la chaîne en bloc (blockchain), du commerce électronique, une demande des consommateurs pour des normes de durabilité, des préoccupations concernant la sécurité sanitaire et phytosanitaire, ou la tendance à rapprocher les chaînes d'approvisionnement des consommateurs domestiques, en particulier pour les biens essentiels et stratégiques. Nous devons veiller à ce que le système commercial multilatéral facilite l'adaptation de vos pays à ces changements.

En ce qui concerne la pêche, un défi majeur reste les subventions néfastes à la pêche. Mais les négociations sur cette question sont en cours depuis plus de 20 ans.

Les membres ACP ne font pas partie du problème. Vos pays n'accordent pas de subventions importantes et vous n'avez pas de grandes flottes industrielles.

Mais ils souffrent des effets de plus de sept décennies d'actions menées par les grandes flottes de pêche industrielles qui ont conduit à l'épuisement des stocks de poissons et à la surcapacité, en particulier en haute mer. En outre, vous ne disposez pas de ressources suffisantes pour gérer et faire appliquer les réglementations visant à lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée dans vos propres zones économiques exclusives et à la décourager.

Mais les ACP pourraient faire partie de la solution au problème des subventions.

Avec 79 membres et 62 membres à part entière de l'OMC, votre soutien en vue d'un texte final sera indispensable.

Et nous en avons besoin, nous ne pouvons pas manquer un autre SDG.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Il y a certainement de nombreux défis à relever. Nous devons veiller à ce que le système multilatéral soutienne vos efforts pour une transformation aussi gigantesque de manière inclusive. Et dans ce processus, je peux vous assurer que la CNUCED est là pour vous soutenir.