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Public hearing on the reform of the EU generalized system of preferences organized by the European Parliament's committee on international trade

Statement by Isabelle Durant, Acting Secretary-General of UNCTAD

Public hearing on the reform of the EU generalized system of preferences organized by the European Parliament's committee on international trade

Online
14 April 2021

Comment un SPG révisé peut-il assurer la cohérence des politiques de l'UE pour atteindre les ODD et en accord avec le Green Deal européen

 

Le Système généralisé de préférence est un programme que la CNUCED et l'UE ont toutes deux contribué à développer.  La CNUCED a inventé le concept, ses objectifs et principes et l'UE l'a mis en pratique.  L'UE a en effet été la première à mettre en œuvre un système de préférences commerciales unilatérales dès 1971, suite à la recommandation de la CNUCED qui visait par là à permettre aux pays en développement de générer des revenus supplémentaires par le biais du commerce, de promouvoir l'industrialisation et d'accélérer la croissance économique dans les pays en développement.

La taille de son marché et ses liens commerciaux historiques avec le monde en développement ont rendu le SPG de l'UE particulièrement bénéfique pour les pays en développement.

Cinquante ans plus tard, le SPG de l'UE continue de jouer un rôle important en facilitant les exportations des pays en développement. Toutefois, l'environnement économique et politique dans lequel il opère s’est profondément modifié. Si les arguments économiques en faveur de l'intégration commerciale sont restés largement valables, le rôle des préférences a été de plus en plus remis en question, tandis qu'une plus grande attention a été accordée au rôle des réformes intérieures dans les pays en développement.

Les trajectoires de développement ont par ailleurs elles aussi divergé entre les économies émergentes à croissance rapide, d'une part, et les PMA et autres pays vulnérables, d'autre part.

Aujourd'hui, les faits et les multiples évaluations, y compris celles que l’UE a elle-même entrepris démontrent que les préférences seules ou même le commerce à lui seul ne peuvent promouvoir le développement.

L'Agenda 2030 a fixé l'objectif de doubler la part des PMA dans les exportations mondiales de biens et de services d'ici 2020. On en est loin, très loin même. Cette part était de 0,92 % en 2010. Presque 10 ans plus tard, en 2019, elle est inférieure à la part de 2010 et se situe à 0,91 %. Il y a donc quelque chose qui ne va pas. Et ce ne sont pas les conséquences de la pandémie sur les exportations ou les effets tangibles du changement climatique dans ces pays qui contribueront à les rapprocher de cet objectif de doublement.

Seule une approche globale et cohérente du commerce, combinée avec un développement des capacités productives, de l'investissement, de la finance, de la technologie et de l'innovation, mais aussi du capital humain permet d’entrevoir cette croissance économique socialement inclusive et écologiquement durable mentionnée dans tous les rapports.

Il ne s'agit évidemment pas de minimiser le rôle du commerce dans la réalisation des ODD. Au contraire, le commerce reste une pièce indispensable et l'accès préférentiel au marché dans le cadre du SPG demeure un instrument clé dans la boîte à outils politique de l'UE.

Puisque vous avez à redéfinir et adapter cet outil au contexte des 10 prochaines années, il est crucial d'assurer la cohérence des politiques de l’UE mais aussi de se pencher sur les réalités d’aujourd’hui et de demain dans les pays bénéficiaires. L'UE a d’ailleurs été parmi les premiers à reconnaître le changement de paradigme du développement qui s'est produit au fil des ans. Elle a successivement introduit des réformes institutionnelles et des innovations dans son système SPG pour aider les PMA et les petites économies vulnérables une fois qu'ils ont atteint une couverture de 100 % des produits et réformé les règles d'origine. Ces réformes ont très souvent été suivies par d'autres pays accordant des préférences.

Mais la révision qui s’annonce doit aussi interroger la politique commerciale de l'UE, y compris le SPG, afin d’identifier comment elle peut contribuer à la transition écologique définie dans "Green Deal" européen. Il s’agit en effet que le SPG soit mis à profit pour encourager les bénéficiaires à prendre des mesures décisives en matière de durabilité et d'atténuation du changement climatique et plus urgemment encore d’adaptation aux nouvelles réalités climatiques et environnementales.  

Permettez- moi donc de vous proposer quelques balises.

  1. Le poids des conditionnalités 

Nous avons constaté que certaines améliorations apportées au système et le suivi plus étroit du processus par la Commission ont permis d'améliorer la conformité au SPG+. Cela s'est avéré positif pour la promotion de l'agenda du développement durable.

Cependant, si la réforme à venir envisage des conditionnalités additionnelles, aussi pertinentes et cohérentes soient-elles, il est crucial de veiller à ce qu’elles ne réduisent pas les possibilités d'accès au marché pour les pays qui ne rempliraient pas ces conditions ce qui va à l'encontre de l'objectif même du SPG. 

C’est évidemment un équilibre difficile et l’atteindre exige un dialogue approfondi avec les pays bénéficiaires et leurs acteurs économiques.

  1. La cohérence entre le SPG et les régimes préférentiels des ALE/ZEP.

Alors que les efforts de réforme visaient à donner la priorité à ceux qui en ont le plus besoin en "graduant" d'autres pays à revenu élevé et à revenu intermédiaire supérieur dans le système SPG, nombre d'entre eux ont conclu des accords commerciaux préférentiels réciproques tels que des Accords de libre-échange (ALE) ou de Partenariat Economique (APE) avec l'UE. En conséquence, les PMA et les pays SPG+ pourraient continuer à subir des pressions concurrentielles de la part de ces pays.

Il est donc nécessaire de faciliter une transition plus douce des bénéficiaires actuels de « Tout sauf les Armes » à partir de chaque régime de préférence SPG respectif.

  1. Les politiques de soutien complémentaire 

Il s’agit par exemple du soutien aux capacités productives, à la diversification, à l’intégration régionale, de la compréhension des enjeux pour prendre des positions utiles au sein de l’OMC sur les nouveaux thèmes tels le commerce électronique et l’intégration approfondie et juste des questions climatiques et environnementales dans les politiques commerciales alors même que les pays en développement en sont les moins responsable mais les plus affectés.  Les leçons que nous devons tirer des conséquences dévastatrices de la pandémie sur l’économie des pays en développement doivent en outre faire partie intégrante des mesures additionnelles au SPG.

  1. Un système SPG simple et accessible.

C’est un élément clé pour promouvoir une meilleure utilisation des préférences existantes afin que les pays bénéficiaires en tirent des avantages commerciaux effectifs. Cela signifie entre autres améliorer la convivialité du système, en réduire les charges administratives et renforcer les capacités institutionnelles des exportateurs, des importateurs, des douanes et des chambres de commerce. C’est essentiel notamment pour les TPME et PME dont tout le monde s’accorde à dire que c’est aussi et beaucoup par elles que passera le redressement des économies des pays en développement dans les années post-COVID

  1. Le perfectionnement du système pour en accroitre les avantages commerciaux

Il s’agit entre autres d’élargir la couverture des produits et les marges tarifaires pour le SPG général et le SPG+, ce qui n’a pas été entrepris dans la dernière réforme  

  1. Une nouvelle amélioration des règles d'origine.

Les règles d'origine doivent être simples, transparentes, prévisibles et faciliter les échanges afin de permettre aux producteurs des pays SPG de satisfaire aux critères d'exportation dans le cadre des préférences SPG. Il est également important que les règles d'origine aident les pays bénéficiaires à accroître la valeur ajoutée. Cela pourrait favoriser une plus grande diversification des exportations en réintroduisant la possibilité de cumul avec les pays en développement voisins qui sont sortis du schéma SPG.

  1. La diminution des coûts commerciaux globaux,

Il serait utile d'aider les pays à s'attaquer aux principales sources de coûts par une coopération plus approfondie, notamment en ce qui concerne les mesures non tarifaires, les procédures douanières et un programme plus large de facilitation des échanges. L’avantage comparatif du commerce électronique et son potentiel pour soutenir le commerce des pays en développement, y compris dans le cadre du SPG, pourrait être exploré. 

  1. Un nouveau SPG pour les services ?

Le commerce des services a connu une expansion rapide ces dernières années, et dans le cadre de la pandémie, nous avons vu certains services TIC et numériques se développer à un niveau sans précédent, changeant le modus operandi de notre vie sociale et le business model de nombre d’entreprises, y compris les plus petites.

Un changement qui creuse encore un peu plus les inégalités en matière numérique, qu’il s’agisse du bénéfice économique qu’il est possible d’en tirer – 90% de ce bénéfice se distribue entre la Chine et les USA, 10% pour le reste du monde – de l’accès à l’infrastructure mais aussi à la compréhension de la nouvelle révolution technologique et digitale que sera la combinaison du blockchain, de l’IA, de l’internet des objets,  du Big Data, de l’impression 3D dont les pays en développement ne peuvent pas rester exclus.

Le travail que vous engagez est important pour que l'UE continue d’être le chef de file en matière de préférences commerciales en les adaptant au contexte changeant et incertain de la prochaine décennie.

Je vous remercie de votre attention.

La CNUCED, ses analyses, ses données, ses outils au plus près de la réalité des pays que vous voulez soutenir est et restera à votre disposition tout au long du processus que vous engagez et de vos commissions INTA et DEV.